Après avoir été frappées par le tsunami, des villes japonaises se sont d'un seul coup retrouvées avec l'équivalent en débris de plus de 20 ans de déchets habituellement produits. Les événements du 11 mars ont laissé jusqu'à 27 millions de tonnes de débris au Japon. S'en débarrasser représente un défi titanesque pour les autorités.

Un mur de voitures bloque la vue sur l'océan près du port d'Ishinomaki. Elles défilent presque en continu à travers la fenêtre de l'autobus. Mais elles sont empilées les unes sur les autres, jusqu'à trois de haut. Le tsunami en a ruinées 20 000 dans cette ville de 160 000 habitants, l'une des plus touchées par le tsunami.

Les routes sont dégagées et on devine les anciens quartiers résidentiels par les carcasses de maisons ou le reste des fondations. 22 357 demeures y ont été détruites au complet et 11 021 à moitié, selon les estimés de novembre.

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Ici et là, de monstrueuses montagnes de débris pêle-mêle déchirent le ciel. Des cheminées les transpercent pour évacuer les gaz incendiaires. «L'hauteur réglementaire des sites est de cinq mètres, mais nous manquons d'espace. Certains atteignent 10 mètres. Nous avons déjà eu un feu qui a duré deux mois dans l'un des sites», dit le responsable du traitement des débris à Ishinomaki, Seiichi Kamada.

Quelque 2,22 millions de tonnes de débris sur le total de 6,16 millions de tonnes ont été déplacées dans 23 sites improvisés. La Ville se donne deux ans pour tout ramasser, un an de plus que prévu. Le gouvernement de la préfecture Miyagi prévoit les faire disparaître du paysage d'ici mars 2014.

Tour guidé des débris

À Ishinomaki, comme dans bien d'autres villes dévastées, les infrastructures font défaut pour traiter, incinérer ou enfouir tous les gravats.

«Nous voulons envoyer des débris dans d'autres municipalités, dit M. Kamada, mais les gens ont peur des radiations nucléaires.» Le séisme et le tsunami ont en effet gravement endommagé la centrale nucléaire Fukushima Daiichi, située à environ 100 km d'Ishinomaki.

Le ministère de l'Environnement a même organisé, fin novembre, un «tour guidé des débris» dans une ville touchée pour persuader des gouvernements locaux de traiter des déchets. Jusqu'à présent, seule la municipalité de Tokyo a accepté de recevoir 500 000 tonnes de débris dont les niveaux de radiation respectent les normes de sécurité alimentaire.

Incinérateurs temporaires

Avec son million d'habitants, Sendai est la plus grande ville de la région frappée par le séisme et le tsunami. D'ici janvier, le total de ses 1,35 million de tonnes de débris sera ramassé et trié. Trois incinérateurs temporaires, construits uniquement les besoins de la métropole, y crachent leur fumée depuis octobre.

Plus chanceuse qu'Ishinomaki, Sendai a de l'espace pour stocker ses débris. Le site principal couvre un vaste parc municipal où il y avait six terrains de baseball et 10 courts de tennis. Des tas de ferrailles, d'électroménagers, de bois, de béton ou de voitures s'y juxtaposent. Un numéro identifie chacun des véhicules. On reconnaît l'ordre japonais même dans ce désordre.

«Toutes ces choses appartenaient à des citoyens. Ça se voit à l'oeil nu qu'elles sont bien séparées. En en prenant soin, on prend soin des gens. Ça les aide», croit un chimiste responsable de l'élimination des débris, Junichirou Matsuura, accompagné du directeur adjoint au bureau de la gestion des débris de Sendai, Takeshi Iwase.

«L'ampleur du désastre nous a amenés à viser 50% de recyclage au lieu du 30% habituel, continue M. Matsuura. C'est tout un défi à cause de la quantité et de la complexité des débris.» Autant que possible, le métal sera vendu; le béton sera concassé pour remblayer des zones affaissées; le bois réduit en copeaux servira de biomasse. La gestion des substances toxiques -amiante, acide de batteries, huile, etc.- est aussi un autre défi, dit-il.

Sendai devrait être débarrassée de ses débris en mars 2014. Les trois incinérateurs seront démantelés. Le parc municipal sera reconstruit.

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La catastrophe en chiffres

- Bilan des événements du 11 mars: 15 840 morts, 3546 disparus et 5951 blessés.

- Coût des dégâts du tsunami: 220 milliards.

- Quantité de débris au Japon: 27 millions de tonnes.

- Quantité de débris à la dérive dans l'océan Pacifique: 20 millions de tonnes.

- Hauteur estimée de la plus haute vague du tsunami: 37,9 mètres.

- Nombre de maisons temporaires construites par l'État: 52 500.

- Impact sur la centrale de Fukushima Daiichi: le plus grave accident de l'histoire du nucléaire civil depuis Tchernobyl.

Sources: Agence de la police nationale; Nagahisa Hirayama, professeur de génie civil à l'Université de Kyoto; Université d'Hawaii; Institut de recherche sur les séismes de l'Université de Tokyo.