L'alimentation électrique commence à être rétablie dans la centrale nucléaire de Fukushima, condition indispensable au redémarrage des systèmes de refroidissement des réacteurs, près de deux semaines après l'une des pires catastrophes naturelles ayant frappé le Japon, dont le bilan dépasse les 26 000 morts et disparus, dont 9 737 morts confirmés.

Par ailleurs, les conséquences des émanations radioactives sur la chaîne alimentaire et l'eau suscitent des craintes non seulement dans l'archipel mais aussi à l'étranger.

Le gouvernement japonais a interdit la vente de certains légumes verts et de lait cru dans au moins quatre préfectures autour de Fukushima après la découverte de niveaux de contamination radioactive supérieurs à la normale. Les contrôles seront aussi intensifiés dans six autres préfectures, dont certaines voisines de la mégapole de Tokyo et de ses 35 millions d'habitants.

Le ministère de la Santé a également renforcé les contrôles sur les poissons et mollusques pêchés le long des côtes, après la détection de radioactivité dans l'eau de mer près de la centrale.

Le prix de certains produits de la mer, comme les coquillages, a baissé à Tsukiji, le plus grand marché aux poissons du monde, situé dans la baie de Tokyo. Les oursins se vendaient ainsi à 50% du prix habituel.

Le prix des algues, indispensables dans les soupes et les salades, devrait lui augmenter car les grossistes vont aller s'approvisionner ailleurs.

«On sait déjà qu'on ne pourra plus en manger des régions dévastées avant deux ou trois ans», reconnait Kenichiro Saito, marchand d'algues. «On en fait venir du Hokkaido (extrême nord), à des tarifs plus élevés.»

Les consommateurs restent eux sur leurs gardes.

«Quand on fait ses courses soi-même, on peut choisir, mais lorsque l'on va au restaurant, on ne sait pas trop d'où viennent les produits», déclare Kyoko Tobita, 65 ans, jugeant les propos rassurants des autorités «un peu trop optimistes vu la gravité de la situation».

Après les Etats-Unis et la France, c'est au tour de Hong Kong, l'Australie, le Canada, la Russie et Singapour d'avoir annoncé des mesures d'interdiction ou de restriction à l'importation de produits frais nippons en provenance des préfectures proches de la centrale de Fukushima.

Autre produit essentiel, l'eau est également contaminée.

Mercredi, la municipalité de Tokyo a annoncé que le niveau d'iode radioactive 131 dans l'eau du robinet était deux fois supérieur à la norme autorisée pour les nourrisons, conseillant aux 13 millions d'habitants de la capitale de ne plus l'utiliser pour les bébés.

Jeudi, le niveau était repassé en-dessous du niveau légal de 100 becquerels par kilogramme et les autorités ont levé leur recommendation. La ville a cependant maintenu la distribution de 1,5 litre d'eau minérale par enfant de moins d'un an à 80.000 familles.

Une douzaine de localités des préfectures de Chiba et Ibaraki, voisines de Tokyo, ont également déconseillé l'eau du robinet pour les bébés.

Les télévisions ont consacré leur antenne jeudi matin à répondre aux questions de parents inquiets de savoir si l'eau contaminée peut être utilisée sans risque pour le bain des nourrissons ou bien même pour la lessive.

«Je ne sais plus comment faire», a confié Kazuko Hara, 39 ans, venue chercher des bouteilles d'eau à la mairie de l'arrondissement de Bunkyo pour sa petite fille de trois mois.

«Les experts ont commencé à dire qu'il n'y avait pas de raison de paniquer. Ca m'a un peu rassurée. Mais quand vous voyez les gens se précipiter dans les magasins et dévaliser les rayons, ça vous stresse à nouveau», a-t-elle ajouté.

Dans le même temps, la délicate et périlleuse tâche visant à refroidir les réacteurs de la centrale de Fukushima se poursuit.

Le personnel a repris les opérations d'arrosage sur le réacteur 3 où l'électricité a été en partie rétablie dans la salle de contrôle.

Le courant a également été partiellement rétabli jeudi dans la salle de contrôle du réacteur 1, mais le système de refroidissement n'a toujours pas été relancé.

Trois techniciens ont été irradiés et deux d'entre eux hospitalisés après avoir été exposés à des niveaux de radiation élevés.

La centrale Fukushima Daiichi (N°1) compte six réacteurs dont l'alimentation électrique a été interrompue par le séisme et le tsunami, provoquant la mise hors-service des systèmes de refroidissement du combustible.

Dans le nord-est du pays, où le froid persiste avec parfois encore des chutes de neige, les sauveteurs continuent d'inhumer des centaines de corps après leur identification par les familles, sans pouvoir les incinérer faute de carburant.