Les autorités japonaises luttaient contre la montre jeudi pour tenter d'arroser du combustible usé qui pourrait provoquer une catastrophe nucléaire, tandis que de nombreux pays, dont les États-Unis, ont demandé à leurs ressortissants de s'éloigner le plus loin possible de la centrale de Fukushima.

Tous les efforts se concentrent désormais sur la piscine de combustible dégradé du réacteur 4, quasiment asséchée après avoir été endommagée par deux incendies, à la centrale de Fukushima, située dans le nord-est, à 250 km de la mégapole de Tokyo et de ses 35 millions d'habitants.

La fusion de ce combustible pourrait entraîner des rejets de radioactivité de même ampleur que la catastrophe de Tchernobyl, selon des experts.

La piscine ne contient plus d'eau, ce qui a pour effet des niveaux «extrêmement élevés» de radiations, a déclaré mercredi soir le président de l'Autorité américaine de régulation nucléaire (NRC), Gregory Jaczko.

Une première tentative d'arrosage de la piscine depuis un hélicoptère a avorté, en raison de la radioactivité trop élévée au-dessus de la zone. Jeudi, les ouvriers de l'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco) aidés de pompiers et de policiers devaient essayer d'atteindre le réservoir en recourant à un camion citerne équipé d'un canon à eau.

En France, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a estimé que les prochaines 48 heures seront cruciales.

Tepco devait également tenter de rétablir le courant alimentant les systèmes de refroidissement de la centrale, qui ont tous été endommagés par le séisme et le tsunami de vendredi.

«Si nous parvenons à réparer, nous pourrons utiliser des pompes électriques pour verser de l'eau dans les réacteurs et les bassins où est placé le combustible usé», a expliqué un porte-parole de l'opérateur.

Preuve de la gravité de la situation, l'Empereur du Japon s'est adressé mercredi à la Nation, pour la première fois dans une situation de crise depuis son accession au trône en 1989.

Akihito s'est déclaré «profondément préoccupé par la situation dans la centrale» et a apporté son soutien aux secouristes et aux familles des victimes du plus puissant séisme de l'histoire du Japon et du tsunami qui a suivi.

Devant la menace d'un accident nucléaire majeur, la plupart des ambassades ont recommandé à leurs ressortissants de s'éloigner de la zone pour se replier vers le sud, dans la région d'Osaka, ou bien de quitter le Japon.

L'ambassade des Etats-Unis a fixé la zone de risque à 80 km autour de la centrale.

Les autorités nippones n'ont pour l'instant établi un périmètre de sécurité que de 30 km et le gouvernement a affirmé mercredi que les radiations au-delà de la zone d'exclusion des 20 km «ne posent pas de danger immédiat pour la santé».

La Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Suisse, la France, l'Italie et l'Australie ont également conseillé à leurs ressortissants de quitter le nord et la région de Tokyo.

L'équipe de la Sécurité civile française envoyée au Japon pour aider aux opérations de secours dans la région du nord-est dévastée par le séisme et le tsunami de vendredi a reçu l'ordre de se replier à 350 kilomètres plus au nord.

La France, comme la Belgique et la Russie vont par ailleurs envoyer des  avions supplémentaires afin d'évacuer les familles qui souhaiteraient quitter le pays.

Alors qu'un vent de panique commence à souffler de l'étranger, la population japonaise reste étonnament calme et disciplinée, dans l'attente des instructions du gouvernement.

Les vents devraient rester favorables jeudi et repousser vers l'océan Pacifique les rejets radioactifs de la centrale, selon la météo.

En Chine, des messages catastrophistes ont été relayés sur internet et par SMS, mais les autorités ont assuré qu'aucun niveau anormal de radioactivité n'avait été détecté dans le pays.

La peur est ressentie jusqu'en Europe occidentale, pourtant située à près de 10 000 km, avec en Allemagne et en France une hausse des achats de pastilles d'iode. Les Etats-Unis sont déjà en rupture de stock.

La gravité sur le front nucléaire fait passer au second plan la situation très difficile des quelque 500 000 sinistrés ayant trouvé refuge dans 2700 écoles ou salles municipales.

Le bilan officiel du séisme et du tsunami s'établissait mercredi soir à 4314 morts, 8606 disparus et 2282 blessés. Mais dans la seule ville d'Ishinomaki, le nombre de disparus s'élèverait à 10 000, selon un responsable local.

Un froid mordant et des chutes de neige compliquent la tâche des 80 000 soldats et policiers japonais, épaulés par de nombreux secouristes étrangers.

Des millions de Japonais sont privés d'eau, d'électricité, de chauffage et de nourriture en quantités suffisantes.

Le gouvernement japonais a affirmé que la catastrophe devrait avoir un impact «considérable» sur l'économie du pays.

Le yen a atteint un nouveau record depuis la Seconde Guerre mondiale face au dollar dans les échanges asiatiques, le billet vert ne valant plus que 76,52 yens mercredi à 16h21.