1. Q Au cours des derniers jours, des explosions ont soufflé le toit des bâtiments qui abritent deux des six réacteurs de la centrale nucléaire Fukushima 1. Une troisième explosion est survenue hier soir. Qu'est-ce qui cause ces explosions?

R Les réacteurs ont cessé de fonctionner vendredi, à la suite du tremblement de terre. Une minute après leur arrêt, le coeur du réacteur n'émettait plus que 7% de la chaleur qu'il produit normalement, explique Jean Koclas, de l'Institut de génie nucléaire de l'École polytechnique de Montréal. «Il doit être aujourd'hui autour de 3%.» C'est peu, mais c'est suffisant pour faire fondre les tiges de combustible si elles ne sont pas refroidies. Or, la panne du système de refroidissement, à cause de l'immersion des génératrices de secours par l'eau du tsunami, a engendré l'exposition des tiges brûlantes à l'eau devenue vapeur. Ces tiges sont composées d'uranium protégé par une gaine de zirconium. À partir d'une certaine température, le zirconium se frotte à la vapeur d'eau, absorbe l'oxygène et libère de l'hydrogène. Pour diminuer la pression dans la cuve, on a évacué la pression dans l'atmosphère. «En quantité importante, l'hydrogène soumis à certaines températures devient extrêmement explosif», rappelle Jean Koclas. D'où l'explosion qui a soufflé les bâtiments qui abritent les réacteurs, sans endommager les réacteurs eux-mêmes.

2. Q Que signifie la présence d'hydrogène?

R Comme l'hydrogène vient de l'oxydation de la gaine de zirconium qui protège l'uranium, sa présence indique que le combustible est endommagé. «C'est une réaction connue qu'on tente toujours d'éviter, dit M. Koclas. On se retrouve avec un combustible insuffisamment refroidi. La température a monté, peut-être y a-t-il eu fusion entre le combustible et l'eau.» Il est donc possible que le combustible tombe dans le fond de la cuve (vaisseau sous pression) qui contient le coeur du réacteur.

3. Q Faut-il s'inquiéter des conséquences d'une telle fonte du combustible?

R Les avis sont partagés. De l'eau plus froide, dans le fond de la cuve, pourrait aider à refroidir plus rapidement le combustible et le zirconium. D'un autre côté, ce mélange produira d'autres gaz dont l'impact est incertain. «Le combustible, en fondant, relâchera aussi dans la cuve un peu plus de produits de fission gazeux qui sont généralement confinés par la gaine», explique Guy Marleau, également de l'Institut de génie nucléaire. Par contre, souligne M. Marleau, il est difficile de dire comment la cuve, elle-même protégée par une enceinte aux épaisses parois de béton, résistera à ces gaz.

4. Q La vapeur relâchée dans l'atmosphère est-elle radioactive?

R En sortant du vaisseau sous pression (la cuve inoxydable), la vapeur est filtrée avant d'être relâchée dans l'atmosphère. Ces filtres, indique Jean Koclas, retiennent certains éléments radioactifs comme le césium, mais pas tous. Des traces de césium 137 et d'iode 131 ont notamment été détectées dans les environs de la centrale, mais leur concentration ne poserait pas de risque pour la population, ont affirmé les autorités. Néanmoins, on a distribué aux gens qui vivent près de la centrale des pilules d'iode pour contrer une exposition à l'iode radioactif, qui peut engendrer des cancers. Un périmètre d'évacuation de 20 km a également été imposé.

5. Q Ce périmètre est-il suffisant pour protéger la population?

R Il «paraît raisonnable», selon les experts nucléaires français interrogés hier par l'AFP. Le nuage se dilue à distance et, sans ce périmètre, la population aurait reçu des «doses significatives». De son côté, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié le risque pour la santé publique de «minime», à la lecture des données existantes. Le porte-parole Gregory Hartl a indiqué à l'AFP que très peu de radiations se sont échappées des vapeurs des réacteurs nucléaires. De plus, a-t-il ajouté, tout le monde était déjà évacué lorsque les différents incidents ont été enregistrés. Ailleurs dans le monde, des critiques de l'industrie nucléaire se sont cependant inquiétés des débits de doses mesurés près de la centrale.

6. Q Quel est l'effet du refroidissement avec l'eau de mer?

R Les enceintes qui protégeaient les réacteurs 1 et 3 ont été inondées d'eau de mer pour refroidir les tiges à l'intérieur des cuves qui ont été vraisemblablement endommagées. La même opération a été tentée au réacteur numéro 2, avec plus de difficulté. Hier, les tiges se sont retrouvées hors de l'eau pendant plusieurs heures, les opérateurs étant incapables d'injecter l'eau de mer dans le vaisseau. Hormis son caractère «désespéré», comme l'ont qualifié certains observateurs hier, l'opération signifie également que ces réacteurs seront condamnés. Le nettoyage du site sera extrêmement complexe et durera des années.