Les hauts responsables du News of The World étaient au courant des écoutes illégales pratiquées par les journalistes du défunt tabloïd du groupe Murdoch, a déclaré le procureur mercredi en commençant à exposer les charges retenues contre les huit prévenus.

Après deux premières journées consacrées à des questions de procédure, le parquet a envoyé ses premières salves et déjà créé la surprise lors de ce procès-fleuve qui pourrait s'étaler sur six mois.

«C'est une affaire assez simple : il y a eu des écoutes. Qui était au courant?», a lancé le procureur Andrew Edis devant le tribunal de l'Old Bailey à un jury de douze personnes - neuf femmes et trois hommes - chargées de trancher ce procès ultra-médiatisé et très sensible politiquement.

«Vous devrez vous demander si ces gens (les responsables du journal) faisaient bien leur travail. Si c'est le cas, nous affirmons qu'ils devaient savoir où partait leur argent, ils devaient savoir comment naissaient ces articles», a ajouté le procureur.

Promettant des révélations au-delà des simples pratiques de piratage des conversations téléphoniques, le procureur fait sensation en dévoilant que trois journalistes du News of The World avaient déjà plaidé coupable d'écoutes illégales.

Inattendue, cette révélation risque de fragiliser les huit principaux prévenus qui ont tous plaidé non coupables et récusent les accusations ayant conduit, en juillet 2011, à la fermeture du plus gros tirage de la presse britannique à l'époque.

Parmi eux figurent les deux «vedettes» du procès, Rebekah Brooks et Andy Coulson, deux anciens rédacteurs en chef du News of the World et proches du premier ministre conservateur David Cameron.

On leur reproche, au terme de deux ans d'enquête qui ont conduit à une centaine d'arrestations, d'avoir mis sur écoute, dans les années 2000, plus de 600 personnes. Des vedettes comme l'acteur Jude Law ou le secrétaire du prince William, mais aussi des citoyens ordinaires impliqués dans des faits divers, afin de produire des primeurs.

Brooks, la flamboyante rousse, et Coulson, le discret quadragénaire, ancien directeur de la communication de David Cameron, sont également poursuivis pour avoir corrompu des fonctionnaires afin d'obtenir des informations.

Dans l'oeil du cyclone, Rebekah Brooks, l'ancienne «reine des tabloïds», est en plus poursuivie pour entrave au cours de la justice. Selon l'acte d'accusation, elle aurait notamment emporté des archives compromettantes au moment de la fermeture du journal.

«Les journalistes n'ont pas plus le droit d'enfreindre la loi que quiconque», a souligné le procureur, ajoutant que «rien ne justifie» que le personnel d'un journal ait recours à des écoutes ou qu'il verse de l'argent à des personnalités publiques.

Il a expliqué au jury que le détective privé Glenn Mulcaire, qui a reconnu avoir piraté la messagerie de plusieurs téléphones en 2006, avait reçu jusqu'à 100 000 livres (167 000 $) par an à l'époque par le News of The World.

Selon M. Edis, cet «arrangement extraordinaire» nécessitait forcément un accord en haut lieu.

Le scandale des écoutes a donné lieu à un vaste déballage sur les pratiques de certains reporters et dirigeants de la presse britannique, la plus puissante en Europe, et mis en lumière ses relations parfois troubles avec le milieu politique et la police.

Devant l'ampleur des révélations, le gouvernement a décidé de réformer le système de réglementation de la presse pour éviter à l'avenir les dérapages. Après moult discussions, les trois principaux partis (pouvoir et opposition confondus) se sont entendus sur un projet qui prévoit la mise en place d'un organe encadré par la loi et dont le conseil ne sera composé d'aucun rédacteur en chef en fonction.

Sauf que la plupart des patrons de presse y sont farouchement opposés. Hasard de calendrier, ils ont saisi mercredi la justice pour tenter de bloquer l'adoption de ce projet, qui entrave selon eux la liberté de la presse.

Mais la Haute Cour de justice de Londres a battu en brèche leur argument disant que leur propre proposition de réforme, prévoyant un système d'autorégulation renforcé, n'avait pas été suffisamment étudiée.