Les rebondissements dans l'affaire des écoutes et ses ramifications mettent le premier ministre britannique David Cameron dans une position de plus en plus délicate, avec la comparution jeudi de l'un de ses ministres et l'inculpation de son ex-directeur de la communication.

« Pour Cameron, le passé continue d'assombrir l'avenir », notait jeudi le Guardian, proche de l'opposition travailliste et en pointe sur le scandale des écoutes au journal News of the World (NotW), du groupe de Rupert Murdoch.

À l'appui de ce constat : l'inculpation mercredi pour faux témoignage d'Andy Coulson, ancien directeur de la communication du premier ministre et ex-rédacteur en chef du NotW. Mais aussi la comparution jeudi devant la commission sur l'éthique des médias du ministre de la Culture, Jeremy Hunt, soupçonné de collusion avec le groupe News Corp de Murdoch.

La pression s'en trouve accrue sur le premier ministre, déjà embarrassé par l'inculpation pour entrave à la justice d'une proche, Rebekah Brooks, au coeur du scandale des écoutes.

Le début de semaine avait permis au premier ministre de souffler quelque peu : l'un de ses prédécesseurs, le travailliste Tony Blair, avait reconnu avoir entretenu des relations trop étroites avec l'empire Murdoch. Une confession faite devant la commission Leveson des médias, où défilent depuis des mois responsables de presse et du monde politique.

Le répit a cependant été de courte durée. M. Hunt a passé la journée sur le grill, pressé de s'expliquer sur son attitude concernant le projet de News Corp d'acheter la totalité du bouquet satellitaire BSKyB.

M. Hunt a reconnu avoir été « globalement compréhensif » vis-à-vis de ce plan, tout en assurant avoir mis de côté son « opinion personnelle ».

Une position délicate dans la mesure où M. Hunt était chargé de donner un éventuel feu vert au projet, perçu par nombre de médias comme une menace pour le pluralisme de la presse.

Le témoignage de M. Hunt a aussi été mis à mal par la publication jeudi de textos prouvant la proximité entre le ministre et le groupe Murdoch. Dans un message, M. Hunt « félicite » James Murdoch, le fils du magnat, pour l'approbation du projet BSkyB par la Commission européenne.

Malgré tout, M. Cameron a semblé renouveler sa confiance dans son ministre, qui chapeaute aussi l'organisation des JO de cet été. Au terme de l'audition, Downing Street a annoncé qu'il ne lancerait pas d'enquête pour déterminer si M. Hunt avait violé « le code ministériel ».

La veille, l'ex-directeur de la communication de M. Cameron avait été inculpé de faux témoignage au procès d'un député. Un procès là encore lié aux écoutes au NotW, qui avait fait des révélations sur la vie privée de l'élu.

À l'époque, fin 2010, M. Coulson s'était défendu devant la justice d'être au courant d'activités illégales au journal lorsqu'il en était rédacteur en chef. Des affirmations dont la police doute désormais du bien-fondé. Jeudi, M. Coulson a promis de « contester vigoureusement » ces accusations.

Le premier ministre pourrait quant à lui avoir l'occasion de s'expliquer devant la commission Leveson, qui l'aurait convoqué le 14 juin, selon le Times.

Ironie de l'histoire : c'est M. Cameron qui avait mis en place cette commission l'été dernier lorsque l'ampleur du scandale des écoutes avait éclaté. Le NotW est soupçonné par la police d'avoir fait écouter des centaines de personnes pour alimenter sa machine à scoops.

Selon le Times, « les proches de M. Cameron ont pensé qu'en créant la commission Leveson, ils lançaient une enquête sur les médias, pas une qui se retournerait contre eux ». Le premier ministre a peut-être « pris précipitamment une décision aux conséquences importantes pour son gouvernement, au lieu d'attendre », ajoute le journal, propriété du groupe Murdoch.