À deux semaines de son 81e anniversaire, Rupert Murdoch s'offre un cadeau: un nouveau journal, The Sun on Sunday, remplacera le News of the World dès dimanche.

Le 11 février dernier, le tabloïd britannique The Sun a connu la journée la plus sombre de ses 50 ans d'histoire. L'arrestation de cinq cadres, soupçonnés de corruption, fait trembler la salle de rédaction du quotidien national le plus vendu, tiré à 2,8 millions d'exemplaires. Des rumeurs de fermeture courent.

Rupert Murdoch, sabordera-t-il le fleuron de ses titres britanniques comme il l'a fait avec le News of the World en juillet 2011, au comble de l'affaire des écoutes téléphoniques?

Les chroniqueurs des médias concurrents préparaient déjà la notice nécrologique du tabloïd lorsque le vieux sorcier a sorti un as de son jeu: une version dominicale du Sun remplacera le NOTW à partir du 26 février.

«J'ai travaillé à vos côtés pendant 43 ans pour faire du Sun un des meilleurs journaux du monde, a-t-il expliqué le 17 février dans une missive aux employés. Il fait partie de moi...Nous allons bâtir sur son fier héritage pour lancer le Sun on Sunday

Avec ces quelques paroles, il éponge la crise, fouette le moral de ses troupes et met en émoi l'industrie médiatique. Les cinq journalistes soupçonnés d'avoir versé des pots-de-vin à des policiers et à des fonctionnaires retournent au travail après leur libération.

Rupert Murdoch est à Londres pour veiller personnellement au bon lancement de son nouveau «red top», le surnom des tabloïds britanniques, dont le prix dérisoire, à 50 pence (0,80$), a forcé des rivaux à réduire le leur de moitié. «Il ne laissera rien au hasard et il dépensera, dépensera et dépensera encore pour assurer son succès», prédit l'analyste média - et ancien journaliste du Sun - Roy Greenslade.

L'octogénaire a d'ailleurs versé 4,8 millions de dollars dans une campagne publicitaire vigoureuse. Le Sun a dévoilé les chroniqueurs- vedettes de sa livraison du dimanche au compte-gouttes durant toute la semaine.

Bien que la réputation des journaux de Murdoch ait été ternie par le scandale du piratage téléphonique, la curiosité du grand public l'emportera. Environ 2,5 millions exemplaires du Sun on Sunday s'envoleront demain, croient les experts, ce qui permettra au magnat de dominer à nouveau le marché de la presse écrite.

Malgré ses sourires aux caméras, Rupert Murdoch a encore beaucoup à faire pour rétablir l'ordre. Le personnel du Sun s'est senti trahi par son comité d'éthique interne dont l'enquête a provoqué l'arrestation des cinq journalistes il y a deux semaines. Ce comité avait été créé à la suite de la fermeture du NOTW.

Le biographe de l'homme d'affaires, Michael Wolff, a résumé la situation ainsi le 11 février dernier: «Je n'ai jamais vu autant d'acrimonie au sein de News Corporation dans toute son histoire.»

Wendi Deng Murdoch a dévoilé en septembre 2011 que l'ancien premier ministre britannique Tony Blair est un ami proche de son mari et le parrain de sa fille de 9 ans, Grace. C'est l'actuel chef du gouvernement, David Cameron, qui doit être jaloux!

Rupert Murdoch est au 13e rang des personnes les plus influentes du monde selon Forbes et sa fortune est évaluée à 7,6 milliards de dollars américains.

RUPERT MURDOCH EN CINQ POINTS





Photo Reuters

Le Sun on Sunday sera vendu dès dimanche.

1- James Murdoch, l'héritier humilié

Le benjamin de la famille s'excuse beaucoup, mais convainc peu quant à son ignorance du piratage qui était généralisé dans la salle de rédaction du NOTW jusqu'en 2007.

Pourquoi signait-il des chèques pour acheter le silence de victimes sans poser de questions? lui a demandé un comité parlementaire incrédule en novembre dernier. Stoïque mais moins habile que son père, James Murdoch n'est pas sorti indemne de son passage devant les députés britanniques.

Toujours à la tête des activités européennes et asiatiques de News Corporation, le trentenaire aux lunettes rondes a quitté les conseils de direction des journaux britanniques du groupe. Rupert Murdoch a d'ailleurs préféré annoncer le lancement du Sun on Sunday en compagnie de son fils aîné, Lachlan. Guerre fratricide en vue?





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James Murdoch

2- Rebekah Brooks, la protégée

Le 10 juillet 2011, en pleine tourmente du scandale des écoutes téléphoniques, des journalistes demandent à Rupert Murdoch quelle est «sa priorité». «Celle-ci», dit-il en désignant Rebekah Brooks, à ses côtés. C'est dire l'affection que lui porte le magnat de presse.

La carrière météorique de la mystérieuse rousse, tour à tour directrice du News of the World, du Sun et de l'ensemble des journaux britanniques de Rupert Murdoch, prend fin le 15 juillet 2011 lorsqu'elle est pressée de démissionner par des politiciens qui lui faisaient encore les yeux doux quelques semaines plus tôt.

La femme de 43 ans est arrêtée deux jours plus tard avant d'être libérée sous caution.





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Rebekah Brooks

3- Andy Coulson, le ténébreux

Le premier ministre britannique David Cameron avait-il conclu un pacte avec le diable en embauchant Andy Coulson, peu après son départ du NOTW, en 2007? La réputation de l'homme de confiance de Rupert Murdoch n'était pas au-dessus de tout soupçon à la suite de l'emprisonnement de deux journalistes du tabloïd, Clive Goodman et Glenn Mulcaire.

Quatre ans plus tard, le scandale le rattrape et il est forcé de démissionner du cabinet du premier ministre. Il maintient avoir toujours ignoré les pratiques illégales du journal qu'il a dirigé de 2003 à 2007, ce que réfutent d'anciens cadres.

Tout comme pour Rebekah Brooks, une enquête de Scotland Yard décidera de son sort.





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Andy Coulson

4- Les victimes sont scandalisées

«Il est temps que notre pays trouve le courage de tenir tête à ce bourreau.»

Hugh Grant, le 21 novembre 2011, au sujet de Rupert Murdoch. L'acteur britannique, très engagé contre les pratiques illégales de la presse tabloïde, a piégé un ancien reporter de News of the World en l'enregistrant à son insu.

«Vous êtes le premier patron de mafia qui ne savait pas qu'il dirigeait des activités illégales.»

Le député Tom Watson, lui-même mis sur écoute, à James Murdoch, président de la filiale européenne et asiatique de News Corporation, le 11 novembre 2011.

«Profitez de cette occasion pour faire amende honorable et établir des pratiques décentes [dans vos journaux].»

Les parents de Milly Dowler (dont le téléphone cellulaire avait été piraté en 2002 suite après sa disparition), le 21 novembre 2011. Ils ont reçu 3,2 millions de dollars canadiens en dommages et intérêts de la part de Rupert Murdoch qui les a rencontrés personnellement.

«Cela m'emplit d'horreur...J'aimerais dire à Rupert Murdoch comment il devrait user de son pouvoir de façon responsable.»

Graham Foulkes, le 6 juillet 2011. Le tabloïd avait mis la main sur son numéro de téléphone après la mort de son fils dans les attentats terroristes du 7 juillet 2005 à Londres.





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Hugh Grant

5- Ne touchez pas au mari de Wendi Deng Murdoch!

Plus personne ne doute de l'amour que porte Wendi Deng, 43 ans, à son mari de 39 ans son aîné depuis qu'elle a sauté au cou d'un homme qui tentait de l'entarter en juillet 2011.

Un souvenir encore douloureux pour la mère de deux enfants si on en croit son tweet : « Merci de m'avertir que l'homme qui a attaqué [mon mari] avec une tarte est sur Twitter mais je ne veux pas en savoir plus. »

Photo Reuters

Wendi Deng Murdoch