Plus de trois mois après son installation, la commission spéciale chargée de faire la lumière sur le scandale des écoutes au Royaume-Uni et de tirer les leçons en matière de protection de la vie privée, se met au travail lundi, en procédant aux premières auditions.

Ses six membres avaient été chargés cet été par le premier ministre David Cameron de mener une enquête publique, après les remous suscités par la fermeture du tabloïde News of the World (NotW). La commission, présidée par Brian Leveson, l'un des juges les plus haut placés du Royaume-Uni, s'était réunie formellement une première fois fin juillet, mais sans entrer dans le vif du sujet.

Le NotW, ex-fleuron du groupe Murdoch, est accusé d'avoir fait écouter jusqu'à 5.800 personnes au début des années 2000. La révélation qu'un détective à la solde du journal aurait piraté le portable d'une collégienne, Milly Dowler, portée disparue puis retrouvée assassinée, l'a obligé à mettre la clé sous la porte.

La commission, qui doit rendre ses conclusions dans douze mois, commencera à entendre lundi matin les défenseurs des victimes, notamment de la famille Dowler. Mais les victimes elles-mêmes n'interviendront pas pour l'instant.

Une double mission lui a été assignée: d'abord, «enquêter sur la culture, les pratiques et l'éthique de la presse» pour mieux garantir le «respect de la vie privée».

De quoi inquiéter les patrons de presse, peu enclins à voir remis en question le «droit du public à être informé», fer-de-lance, plaident-ils, du journalisme d'investigation, même s'il a pu engendrer des dérives au sein de tabloïdes engagés dans la chasse aux primeurs.

La commission devra se pencher dans ce cadre sur les relations parfois troubles entre les médias et la police, le NotW étant notamment accusé d'avoir rémunéré des policiers pour obtenir des informations. Il lui faudra aussi examiner les liens entre la presse et la classe politique, à commencer par le premier ministre qui a dû à plusieurs reprises se justifier sur ses relations avec le groupe Murdoch.

Dans un deuxième temps, l'enquête aura pour tâche d'établir les responsabilités dans le scandale des écoutes, mais elle ne pourra s'attaquer à ce volet qu'une fois les investigations menées parallèlement par la police terminées.

Ce qui pourrait prendre fort longtemps.

Les auditions de la commission, qui comprend notamment un militant des droits de l'Homme, un haut responsable de la police, deux journalistes et un ancien président du Financial Times, seront retransmises en direct sur son site.

De quoi alimenter encore régulièrement la chronique d'un scandale qui continue d'ébranler l'empire de Rupert Murdoch, le magnat américano-australien des médias.

Son fils James, président de News International, qui chapeaute les journaux britanniques du groupe, a dû venir se justifier une deuxième fois jeudi devant les parlementaires britanniques.

Sur la sellette, il a été jusqu'à envisager de fermer le Sun, un autre fleuron du groupe, s'il s'avérait que des pratiques répréhensibles avaient eu cours au sein de ce tabloïd également.

Ce qui ne l'a pas empêché de se faire traiter publiquement de «chef mafieux» par un député. Et ce, à quelques semaines de l'assemblée générale des actionnaires de BSkyB qui doivent se prononcer sur sa réélection à la tête du groupe de télévision.