Interrogé par les parlementaires sur son rôle indirect dans le scandale des écoutes téléphoniques, le premier ministre britannique a pris ses distances des autres protagonistes de l'affaire. Sa position demeure néanmoins instable.

David Cameron reste sur la sellette. Même s'il s'est plutôt bien sorti hier des griffes des parlementaires qui l'interrogeaient sur son implication dans l'affaire des écoutes téléphoniques illégales des journalistes du groupe News International, sa crédibilité s'est indéniablement érodée. Ses relations personnelles avec plusieurs personnalités liées au scandale remettent en effet en question son indépendance et ses qualités de discernement.

Les premières attaques contre le premier ministre ont porté sur son embauche d'Andrew Coulson, ancien directeur de la rédaction de News Of The World. Il s'est pourtant défendu de toute malversation. «C'était ma décision. J'en prends la responsabilité. [...] Bien sûr, je le regrette et je suis extrêmement désolé de la fureur que cela a causée. Avec le recul, et tout ce qui a suivi, je ne lui aurais pas proposé cet emploi.»

Ed Miliband, leader de l'opposition travailliste, ne l'a pas laissé s'en tirer aussi simplement. «Ce n'est pas une question de recul ou du fait que M. Coulson lui a menti; c'est sur toutes les informations que le premier ministre a ignorées!» En effet, de nombreux hommes politiques et journalistes ont déclaré au cours des dernières semaines avoir prévenu David Cameron des risques qu'il prenait en s'attachant les services d'un homme susceptible d'être poursuivi en justice dans l'avenir en raison de ses inactions passées. Son choix de ne pas suivre ces recommandations malgré sa fonction politique est aujourd'hui considéré comme irresponsable.

Le deuxième sujet majeur de ce débat parlementaire a concerné l'influence du groupe Murdoch auprès du premier ministre. En effet, le gouvernement avait initialement accepté l'acquisition de 60,9% de la chaîne de télévision BSkyB par le groupe News International pour 8 milliards de livres sterling (12,2 milliards de dollars canadiens). En raison de l'éclatement du scandale des écoutes illégales et de la colère de la population, News International a décidé de ne pas conclure cette acquisition.

David Cameron a admis que ce thème avait été abordé lors de plusieurs rencontres avec des dirigeants du groupe qu'il n'a pas voulu nommer. Il a néanmoins sous-entendu en avoir discuté avec Rebekah Brooks, ancienne directrice de News International. Pourtant, il a assuré n'avoir «jamais eu la moindre conversation inconvenante» sur la question.

«Le code de conduite n'a jamais été rompu, en partie parce que j'avais demandé à être exclu de la décision. Je n'avais aucune responsabilité dans l'achat de BSkyB. Je ne savais même pas quand les annonces majeures devaient être prononcées.»

Un dernier argument peu vraisemblable qui remet en cause la crédibilité du reste de son argumentation. Sans nul doute, David Cameron doit désormais espérer que le début des vacances parlementaires calmera les ardeurs de ses adversaires et fera un peu retomber le scandale. Sans quoi, il vivra assurément un très mauvais été.

Les relations troubles qui pourraient faire tomber David Cameron

RUPERT MURDOCH

Le patron et fondateur de News Corporation a quitté hier Londres à bord de son jet privé, après avoir été interrogé mardi par le comité d'enquête parlementaire. Ses révélations ont remis en question l'influence sur la vie politique de celui qui est perçu comme le faiseur de premiers ministres. David Cameron s'était ainsi rapproché de lui pour recevoir sa bénédiction. Après l'avoir obtenue à la suite de plusieurs discussions privées sur le yacht du milliardaire, il a remporté les élections générales de mai 2010. Depuis, les deux hommes se voyaient régulièrement.

 

 

 

Photo: Chris Ratcliffe, Bloomberg

ANDREW COULSON



Lorsqu'au printemps 2007, David Cameron suit les conseils de l'actuel ministre des Finances George Osborne et fait d'Andrew Coulson son directeur des communications, il réalise une erreur qui le poursuivra longtemps. Démissionnaire quatre mois auparavant de la direction de la rédaction de l'hebdomadaire News Of The World à la suite de la condamnation à une peine de prison ferme d'un journaliste et d'un détective privé du tabloïd, celui-ci nie alors toute connaissance d'écoutes illégales réalisées par ses subordonnés. Des courriels échangés avec certains d'entre eux prouveraient aujourd'hui le contraire et auraient provoqué son arrestation il y a 10 jours. Hier, David Cameron a assuré devant le Parlement qu'en connaissance de cause, il ne lui aurait «pas proposé cet emploi».

 

 

 

Photo: Andrew Winning, Reuters

PAUL STEPHENSON



Le chef de la police nationale a démissionné dimanche pour avoir employé comme conseiller en communication Neil Wallis, ancien adjoint d'Andrew Coulson à News Of The World, quelques mois après sa démission en 2009. La similitude des faits a poussé plusieurs parlementaires travaillistes à demander à David Cameron de quitter son poste comme responsable de la police. Surtout que Paul Stephenson a indiqué qu'il n'avait pas osé discuter avec David Cameron de l'avancée de l'enquête. Le premier ministre, estimait-il, était trop lié à Andrew Coulson pour l'informer que la police s'intéressait à l'un de ses proches. Un jugement grave qui en dit long sur les qualités d'indépendance du premier responsable de la nation britannique.

 

 

 

Photo: Suzanne Plunkett, Reuters

REBEKAH BROOKS



Celle qui est parfois décrite comme la fille spirituelle de Rupert Murdoch possède l'un des carnets d'adresses les mieux garnis de Londres, et David Cameron figure parmi ses proches. L'ancien journaliste de News Of The World Paul McMullan, enregistré à son insu par l'acteur Hugh Grant, avait ainsi indiqué que «lorsque, après Thatcher et Tony Blair, le tour de Cameron est venu de s'approcher de Rupert Murdoch pour obtenir ses faveurs, il l'a fait à travers Rebekah Wade (son nom de jeune fille, avant son second mariage, NDLR). Ils allaient tous les deux se promener à cheval. Je le sais, car je devais les photographier afin de prouver que Murdoch soutenait Cameron... Aujourd'hui, Cameron a une dette envers Rebekah Wade pour l'avoir aidé à se faire élire».

Image tirée de Reuters TV