À quelques jours de sa décision sur la réforme de la santé chère au président Obama, la Cour suprême est attendue au tournant par les Américains dont beaucoup se demandent si elle tranchera sur des arguments politiques ou purement constitutionnels.

«Ce qui leur fait peur, c'est qu'un coup de tête subjectif d'un juge, plutôt que quelque chose de plus objectif, contrôle la décision, ce n'est pas politique», déclare à l'AFP le juge Stephen Breyer, l'un des neuf sages de la haute Cour.

La plus haute juridiction américaine, à majorité conservatrice, est appelée à trancher d'ici à fin juin sur la pièce maîtresse du mandat du président démocrate, à quelques mois de la présidentielle où Barack Obama est candidat à un nouveau mandat.

La Cour doit déterminer si la disposition clé de la loi --l'obligation faite à tous les Américains de se doter d'une assurance-maladie, sous peine de pénalités-- est conforme à la Constitution et, dans le cas contraire, si le reste de la réforme peut survivre sans cette mesure.

Dans la presse ou sur l'internet, experts et observateurs politiques font partager leur pronostic, depuis le «choc» des débats, fin mars, où à la surprise générale, les juges conservateurs se sont montrés enclins à retoquer la loi.

«Nombre d'entre nous étaient choqués parce que (...), avant les débats, nous pensions qu'il était hautement improbable que la loi soit rejetée (...) et qu'il était faux de penser que la Cour se déciderait sur des bases politiques», explique à l'AFP Danny Marcus, professeur de droit à l'American University.

D'autant que la politique est «incompatible avec le rôle d'un juge, 100% incompatible», insiste le juge Breyer, un des quatre progressistes de la Cour.

Ce n'est pourtant pas ce que pensent les Américains, dont les trois quarts estiment que les décisions des juges de la Cour suprême sont guidées par leur point de vue politique ou personnel, selon un sondage récent du New York Times et CBS.

Comme pour la décision controversée «Bush contre Gore», qui avait scellé la présidentielle de 2000 en faveur du candidat républicain, «il est possible que certains juges aillent à l'encontre de leur propre parole et des textes antérieurs sur les arguments juridiques en jeu, ce qui permettrait de les accuser facilement de prendre leurs décisions uniquement sur la base de leurs préférences politiques», déclare à l'AFP l'avocate Elizabeth Wydra, favorable au gouvernement.

Limites du pouvoir fédéral

«Ce n'est pas un facteur qui doit rentrer en compte dans la réflexion en cours ici», rétorque David Rivkin, ancien avocat de l'administration Bush, qui estime que la décision n'aura rien de partisan. «On peut parler de politique uniquement au sens où cela va bénéficier à des partis politiques», déclare à l'AFP ce juriste qui oeuvre au côté des 26 États républicains attaquant l'administration Obama dans ce dossier.

«La critique selon laquelle cela sera politique est elle-même politique», accuse pour sa part Randy Barnett, favorable aux plaignants: «Ce qui est en jeu ici c'est de savoir s'il y a des limites aux pouvoirs du gouvernement fédéral».

L'expert Danny Marcus pense aussi que la Cour suprême ne scellera pas le sort de cette réforme majeure sur des bases partisanes, mais plutôt idéologiques: les cinq juges conservateurs «ont peur du grand gouvernement qui avale et supplante le rôle traditionnel des États».

«Ce serait la première loi majeure d'un président en exercice rejetée parce que le Congrès a outrepassé ses pouvoirs» depuis 75 ans, souligne-t-il.

La Cour a auparavant invalidé «d'autres projets de loi politiques majeurs», rappelle toutefois à l'AFP Elizabeth Papez, avocate de droit constitutionnel: «Dans chaque cas, cependant, le jugement n'était pas politique, mais juridique avec des conséquences politiques. Je pense que ce sera la même chose pour la réforme de la santé».