Israël juge avec gravité la menace du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan de faire accompagner par la marine de guerre turque d'éventuels bateaux d'aide à Gaza, mais garde pour l'heure profil bas, doutant de sa mise en oeuvre.

«Ces déclarations sont graves et difficiles, mais nous ne voulons pas alimenter la polémique», a déclaré vendredi le ministre israélien responsable du Renseignement Dan Meridor.

Il a cependant estimé que c'est «la Turquie qui violerait le droit international» si elle tentait de briser le blocus maritime israélien de la bande de Gaza contrôlée par le mouvement islamiste palestinien Hamas, considéré par une commission de l'ONU comme une «mesure de sécurité légitime».

Un haut responsable israélien parlant à l'AFP sous couvert de l'anonymat a affirmé qu'il s'agirait d'une «provocation très grave». «Il est très difficile d'imaginer que la Turquie irait jusqu'à engager une telle action, compte tenu de ses engagements envers l'OTAN».

Selon le quotidien israélien à grand tirage Yediot Aharonot, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a envisagé toute une série de mesures de rétorsion, lors d'une réunion spéciale du ministère jeudi.

Israël mettrait en garde ses ressortissants ayant effectué leur service militaire contre toute visite en Turquie de crainte de poursuites, appuierait «une reconnaissance par le Sénat américain du génocide arménien», soutiendrait la rébellion kurde et lancerait une offensive diplomatique contre la Turquie, écrit le journal.

Mais pour un haut responsable du ministère, «il ne s'agit à ce stade que d'idées en l'air» traduisant surtout «l'exaspération du chef de la diplomatie», qui observe sur ce sujet une réserve inhabituelle.

«Les navires de guerre turcs seront chargés de protéger les bateaux turcs acheminant des aides humanitaires vers la bande de Gaza», a dit jeudi M. Erdogan à la chaîne Al-Jazira, promettant une «riposte appropriée» en cas de réédition du raid israélien sur un navire turc en route vers Gaza, qui a coûté la vie à neuf Turcs le 31 mai 2010.

Après des mois de tensions croissantes, Ankara a laissé éclater sa colère face au refus israélien de présenter des excuses pour cette opération.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a torpillé un projet de compromis, dont se serait satisfait Ankara, prévoyant des excuses israéliennes pour des «erreurs opérationnelles» commises lors de l'assaut, mais pas pour l'avoir lancé, rapporte vendredi le Yediot.

La Turquie sera ferme sur son droit à contrôler les eaux territoriales dans l'est de la Méditerranée» et «a entrepris des mesures pour empêcher Israël d'exploiter unilatéralement les ressources naturelles» de cette région, a également prévenu M. Erdogan, en allusion aux réserves de gaz naturel.

Pour l'ancien directeur israélien du ministère des Affaires étrangères, Alon Liel «cet avertissement doit être bien plus pris au sérieux qu'un hypothétique soutien turc à une flottille vers Gaza, compte tenu des intérêts turcs dans la région».

Malgré cette aggravation, selon des sources officielles turques, M. Erdogan ne compte pas se rendre à Gaza à l'occasion de sa visite dans plusieurs pays arabes la semaine prochaine, un déplacement qui envenimerait les relations avec Israël.

Et en Turquie, un avocat turc a affirmé avoir remis à la justice turque, à des fins de poursuite, les noms de soldats israéliens impliqués dans le raid de 2010, identifiés grâce aux témoignages de militaires israéliens qui y avaient participé.