Le raid israélien de lundi a jeté un froid sur les relations entre l'État hébreu et la Turquie. Environ 410 Turcs prenaient part à la mission d'aide humanitaire vers Gaza. Et au moins quatre d'entre eux y ont trouvé la mort. Notre envoyée spéciale a recueilli le témoignage de survivants.

«Le navire s'est transformé en mare de sang.» Nilüfer Çetin, militante qui était sur l'un des bateaux pris d'assaut par l'armée israélienne lundi, ne mâchait pas ses mots hier à Istanbul au sujet de la façon dont l'opération de l'État hébreu a été menée.

Mme Çetin, rentrée en Turquie hier matin, a qualifié le raid israélien d'«extrêmement brutal» lors d'une conférence de presse donnée au siège de l'organisation humanitaire turque IHH, qui a chapeauté l'envoi des militants turcs vers Gaza.

Les affrontements ont eu lieu lundi sur le bateau Mavi Marmara, où se trouvait la majorité des passagers de la flottille humanitaire. Y compris Mme Çetin, qui s'est réfugiée dans sa cabine avec son petit garçon de 1 an quand le commando israélien a donné l'assaut.

Elle s'est attiré des critiques pour avoir emmené un jeune enfant à bord de la flottille. «Si nous avions pu atteindre Gaza, mon garçon et moi aurions joué avec les enfants palestiniens. Tout ce que je voulais faire, c'était de pouvoir dire: «Regardez: il n'y a aucune raison d'avoir peur, j'y vais même avec mon bébé»», a-t-elle répliqué hier.

Le mari de Mme Çetin, lui aussi du convoi, est toujours en Israël, où la flottille a été redirigée.

Attente et larmes

Dans les bureaux de l'IHH, hier, l'inquiétude était palpable. Des familles espéraient avoir des nouvelles de leurs proches. Sitku Alp se préoccupait du sort de son frère Akif. «On attend tous. Il a trois enfants. C'était son premier voyage en tant que volontaire», a raconté M. Alp, les traits tirés. Assis sur une chaise, le père des deux hommes avait du mal à retenir ses larmes.

L'assaut a fait neuf morts, selon l'armée israélienne. Au moins quatre d'entre eux seraient turcs, a affirmé un diplomate à une agence de presse locale. Environ 368 militants turcs seraient toujours détenus en Israël.

Parmi ceux qui ont pu retourner en Turquie hier, certains sont montés à bord de navires qui n'ont pas essuyé les tirs des autorités israéliennes. «Ils nous ont amenés au port d'Ashod, où ils nous ont questionnés pendant deux heures», a raconté Hazim Emir, machiniste employé sur le bateau Gaza 1. «Ils nous ont posé des questions comme: "Transportez-vous des armes? Avez-vous d'autres liens avec des groupes palestiniens? Connaissez-vous des gens sur le Mavi Marmara?"»

Colère et condamnation

Le premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a encore durci le ton envers Israël, hier. «Je condamne de la manière la plus forte ce massacre sanglant», a-t-il dit. Le raid a gravement terni les relations diplomatiques entre les deux pays. La Turquie a souvent été vue comme le seul allié d'Israël dans la région.

La colère du premier ministre a trouvé écho dans les rues d'Istanbul hier où, pour la deuxième journée consécutive, des centaines de manifestants ont scandé des slogans anti-israéliens devant des missions diplomatiques.

«Nous voulons qu'Israël mette fin au blocus qui empêche d'acheminer les biens», a dit Abdullah Ginar, retraité de 53 ans venu manifester devant le consulat israélien, foulard au cou.

«Si ça continue comme ça, nous allons nous retrouver à un point où nous ne voudrons plus de produits israéliens vendus dans notre pays, a averti Mesut Tapdemir. Nous sommes sérieux dans nos manifestations.»