Israël détenait mardi des centaines de civils au lendemain de son assaut sanglant contre un bateau turc d'une flottille humanitaire pour Gaza, qui a suscité l'indignation internationale et déclenché la colère d'Ankara.

Les organisateurs du convoi international ont affirmé qu'ils comptaient envoyer de nouveaux bateaux d'aides pour Gaza, mais l'État hébreu a averti qu'il empêcherait tout navire humanitaire de forcer le strict blocus israélien imposé à l'enclave palestinienne depuis 2007.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé une enquête impartiale sur le raid qui a coûté la vie à neuf personnes, condamnant les violences et appelant à libérer les six navires de la flottille et les centaines de civils détenus.

Face au tollé international, le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a dû renoncer à une rencontre avec le président américain Barack Obama et était attendu en Israël pour tenter de contenir la crise diplomatique.

Lundi avant l'aube, des commandos de marine israéliens ont lancé dans les eaux internationales un assaut contre la flottille acheminant des centaines de militants pro-palestiniens et des tonnes d'aide.

Selon l'armée, neuf passagers ont été tués et sept soldats blessés à bord du ferry turc Mavi Marmara, le plus grand des six bateaux qui transportait 600 personnes.

Après l'assaut, les bateaux ont été escortés par la marine israélienne au port d'Ashdod (sud).

Les avocats ont indiqué avoir eu accès mardi aux militants détenus. «Il y a plus de 500 détenus et entre cinq et huit avocats, donc cela va prendre du temps pour les voir tous», a indiqué Gaby Rubin de l'organisation de défense des droits de l'Homme Adalah.

Selon un responsable du ministère de l'Intérieur, la majorité des passagers (sur un total de plus de 680, originaires de 42 pays) ont été conduits dans une prison du sud du pays et plusieurs dizaines étaient en voie d'expulsion.

Paris et Rome ont exigé la libération des civils détenus, dont neuf Français et six Italiens, et l'Irlande a dénoncé l'arrestation «inacceptable» de sept de ses citoyens.

Israël, qui avait averti qu'il ne permettrait pas que le blocus soit brisé, a accusé les militants d'avoir «déclenché les violences» en attaquant les soldats avec couteaux et barres de fer. Mais les organisateurs du convoi ont affirmé que les commandos avaient ouvert le feu sans justification.

«Nous ne permettrons pas à des bateaux d'arriver à Gaza et d'approvisionner ce qui est devenu une base terroriste qui menace le coeur d'Israël», a dit le vice-ministre de la Défense Matan Vilnaï.

Les responsables de la «flottille de la liberté» ont annoncé que deux autres navires, l'un se trouvant au large de l'Italie et l'autre en réparation, étaient en route pour Gaza. Mais l'une des organisatrices, Greta Berlin, a précisé qu'ils n'arriveraient pas avant plusieurs jours.

M. Vilnaï, tout en défendant l'action des soldats face à «des voyous», a reconnu que «les images ne sont pas très bonnes» et qu'il «fallait en tirer les leçons».

Dès lundi, M. Nétanyahou a dit «regretter» les pertes de vies humaines, en défendant l'action des soldats.

Des images du bateau turc, diffusées dans le monde entier, montrent des commandos en noir hélitreuillés, des accrochages avec des militants, et des blessés gisant sur le pont. L'armée de son côté a diffusé des images montrant six passagers levant leur matraque et frappant apparemment quelqu'un au sol, ainsi qu'un soldat projeté par deux activistes vers le pont inférieur.

Israël veut contrôler l'aide humanitaire pour Gaza, disant craindre un transfert clandestin d'armes pour le mouvement islamiste Hamas qu'il considère comme un groupe terroriste.

La Turquie, dont au moins quatre de ses ressortissants sont morts dans l'assaut et quelque 380 sont détenus, fulminait contre Israël, jadis son allié stratégique.

«Je condamne de la manière la plus forte ce massacre sanglant», a lancé le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan devant le groupe parlementaire de son parti. «Cette attaque insolente et irresponsable qui piétine toute vertu humaine doit absolument être punie».

La Turquie avait rappelé la veille son ambassadeur à Tel-Aviv. Israël a appelé ses ressortissants à ne plus aller en Turquie.

Pour des analystes israéliens, le raid a un effet calamiteux pour l'image du pays, accroît son isolement diplomatique et porte un nouveau coup à un processus de paix avec les Palestiniens qui peinait à démarrer.

Une série de consultations internationales étaient également prévues sur les répercussions de l'assaut: une réunion spéciale de l'Otan, une autre de la Ligue arabe au Caire et une troisième du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.

Dans une première mesure concrète arabe en faveur des Palestiniens après l'assaut, le président égyptien Hosni Moubarak a ordonné l'ouverture du terminal de Rafah avec Gaza, seul point de passage non contrôlé par Israël, pour l'acheminement de l'aide humanitaire et le passage des malades.