L'attribution du prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo va sérieusement envenimer les relations entre la Norvège et la Chine, estiment des experts, qui s'attendent à ce que Pékin punisse le pays scandinave pour l'exemple.

Le choix du comité Nobel tombe au plus mauvais moment pour le gouvernement norvégien qui espérait pouvoir devenir, avant la fin de l'année, le premier en Europe à conclure un accord de libre-échange avec la deuxième puissance économique mondiale.

La décision du comité -sur qui Pékin avait par avance tenté de faire pression- va «nuire aux relations entre la Chine et la Norvège», a réagi le ministère chinois des Affaires étrangères, sans fournir plus de détails.

Mais pour les experts norvégiens en politique étrangère, l'affaire est presque entendue: l'accord de libre-échange va devoir attendre.

«Je ne serais pas surpris que les négociations soient sensiblement retardées, voire qu'elles capotent carrément», déclare à l'AFP Kristian Berg Harpviken, le directeur de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo (Prio).

Les échanges entre la Norvège, riche en matières premières, et la Chine, la plus grosse usine au monde, sont prospères. La Chine était en août le 3e fournisseur de la Norvège et son 11e marché à l'export.

«Leur stratégie sera probablement de punir la Norvège pour faire un exemple», ajoute M. Harpviken, en évoquant les autorités chinoises. «La Norvège est un petit pays aux yeux de Pékin mais des sanctions à son encontre auront un grand retentissement» dissuasif pour les autres pays, estime-t-il.

Propulsé bien malgré lui en première ligne par la décision du comité Nobel, le gouvernement norvégien a tenté de désamorcer la colère de Pékin en mettant en exergue l'indépendance des cinq gardiens du Nobel.

Les membres du comité Nobel sont désignés par le Parlement norvégien mais ils sont indépendants du gouvernement et de la chambre.

«Je tiens à souligner la différence qu'il y a entre un comité Nobel indépendant et les autorités officielles norvégiennes. La relation sino-norvégienne n'a pas changé subitement entre hier et aujourd'hui», a déclaré à l'AFP le ministre des Affaires étrangères Jonas Gahr Stoere.

«Si un tel accord (de libre-échange) est dans l'intérêt des deux pays, on doit se fixer l'objectif de boucler ces pourparlers. Je trouverais surprenant que d'autres facteurs viennent y faire obstacle», a-t-il dit.

En 1989, la Chine avait déjà vivement protesté contre l'attribution du Nobel au dalaï lama. Alors chef de la diplomatie norvégienne, Kjell Magne Bondevik dit avoir reçu «des messages très clairs» en provenance de Pékin.

Selon les experts, la colère probable de Pékin ne devrait toutefois pas s'étendre aux autres pays occidentaux, les premiers et quasiment les seuls pour l'instant à avoir applaudi à la récompense de Liu Xiaobo.

Un aspect qui inquiète Jan Egeland, directeur de l'Institut norvégien des Affaires internationales (Nupi).

«C'est préoccupant que presque toutes les réactions internationales, unanimement positives, émanent des pays occidentaux» alors que les pays du Tiers-Monde, de plus en plus dépendants des investissements chinois, sont restés largement muets, a-t-il dit.