Accusations d'«ingérence», arrestations de personnel diplomatique: en entretenant la tension avec Londres, l'Iran cherche sans doute à saper les efforts de l'Occident en vue d'une reprise rapide des pourparlers sur son programme nucléaire, avertissent des experts.

«Les actes de l'Iran, d'abord l'expulsion de deux diplomates, et maintenant l'arrestation de plusieurs de nos employés locaux, sont inacceptables, injustifiables et sans fondement», a lancé lundi le premier ministre britannique Gordon Brown, au lendemain de l'annonce de l'arrestation de neuf employés iraniens de l'ambassade de Grande-Bretagne. Cinq d'entre eux ont été libérés lundi.

Les interpellations représentent une nouvelle escalade dans la guerre diplomatique entretenue par l'Iran contre Londres. Malgré tout, l'Union européenne et les États-Unis ont cherché au cours du week-end à éteindre le feu, dans le but d'empêcher qu'il ne gagne les pourparlers visant à convaincre l'Iran à renoncer à son programme nucléaire.

«Nous souhaiterions avoir rapidement la possibilité de reprendre les discussions multilatérales avec l'Iran sur le nucléaire», a déclaré dimanche le Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires extérieures, Javier Solana.

«Nous maintenons l'offre faite à Téhéran il y a deux mois (en avril) de négocier sur leur programme nucléaire avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU» (États-Unis, Grande-Bretagne, Chine, France, Russie), plus l'Allemagne, a déclaré dimanche Susan Rice, l'ambassadrice américaine à l'ONU.

Mais une reprise des discussions semble s'éloigner, au moins à court terme, à mesure que perdure la crise politique dans le pays.

«On pourrait voir à court terme un durcissement de la position (de Téhéran, ndlr) sur la question nucléaire», avertit Claire Spencer, directrice pour le Moyen-Orient à l'institut Chatham House de Londres. «Je pense que les contacts ne vont probablement pas progresser dans les semaines qui viennent», ajoute-t-elle, interrogée par l'AFP.

Elahe Mohtasham, chercheuse associée au Centre de politique étrangère (Foreign Policy Centre) de Londres, estime elle aussi qu'il faudra «attendre quelques semaines encore». Mais Massoumeh Torfeh, experte iranienne à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de Londres, va jusqu'à prévoir que les pourparlers seront «retardés d'au moins six mois à un an».

«L'Occident a essayé de renouer le contact ... mais avec l'oeil pour oeil, dent pour dent de l'expulsion des diplomates, c'est maintenant passé à l'arrière-plan», explique Mme Torfeh.

Nombre d'experts estiment que Téhéran a toujours «joué la montre» dans le but d'augmenter sa production d'uranium enrichi pour pouvoir mettre au point une bombe atomique. À ce titre, l'actuelle guerre diplomatique vient à point nommé.

«C'est un stratagème visant à réduire la pression de l'Occident», croit Sadeq Saba, analyste de la BBC Persian, service en farsi de la BBC. «Si les élections avaient été normales, l'Occident aurait fait pression sur l'Iran en vue d'une reprise des négociations sur le nucléaire», déclare-t-il.

Les Occidentaux soupçonnent l'Iran de vouloir se doter de l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil. Téhéran dément mais refuse toujours la reprise des discussions, interrompues depuis septembre.

«Mais je reste optimiste», estime Mme Mohtasham, qualifiant de «crucial» le mois de septembre, soit avant l'Assemblée générale annuelle de l'ONU.

«L'Iran n'est pas la Corée du Nord. L'Iran ne veut pas être isolé et (le président Mahmoud) Ahmadinejad veut légitimer son pouvoir. Il fera donc tout pour améliorer les relations» internationales, ajoute l'experte.