En 2008, l'«Obamanie» s'était emparée des campus universitaires américains, recouverts d'affiches de campagne et animés par des réunions politiques. Quatre ans après, alors que le premier président noir des États-Unis brigue un second mandat, il est difficile de trouver un étudiant qui soit réellement transporté par l'élection du 6 novembre.

«La politique est redevenue un sujet qu'on préfère éviter», résume Abraham Mulberry, étudiant d'Elmhurst, en banlieue de Chicago, qui tente de monter un club de jeunes démocrates.

En 2008, l'association des étudiants pour Obama d'Abraham Mulberry était active. Mais aujourd'hui, il ne se passe rien, que ce soit pour le président sortant ou pour son adversaire républicain, Mitt Romney. Les étudiants se soucient surtout de la situation économique, toujours difficile depuis la crise de 2008.

«Assurément, certains jeunes ont cessé d'y croire, estime Molly Andolina, politologue à l'université DePaul de Chicago, qui étudie cet électorat. C'est peut-être inévitable. Pour des raisons de fond, il est plus facile de donner de l'espoir et de promettre le changement en tant que candidat que comme président.»

L'excitation était à son comble en 2008, car l'élection avait le potentiel de s'inscrire dans l'Histoire. Pour la première fois, les États-Unis avaient la possibilité d'élire un président noir. «Pour les jeunes électeurs, c'était comme d'aller à Woodstock en 1968», explique John Della Volpe, directeur des sondages à l'Institut politique de l'université Harvard.

Maintenant, comme beaucoup d'Américains, les étudiants se préoccupent d'abord de l'économie et de se trouver un emploi. Ils observent d'un oeil désabusé les conflits politiques à Washington.

«Beaucoup de gens pensaient que le président Barack Obama arriverait et changerait tout, mais cela ne s'est pas passé», souligne Ethan Weber, étudiant universitaire de l'Ohio. «C'est ce qui est le plus inquiétant pour les jeunes, que rien ne se passe.»

En 2008, Ethan Weber avait voté sans conviction pour le républicain John McCain, certain que Barack Obama allait l'emporter. Cette fois, il votera pour Mitt Romney et pense que l'élection sera serrée.

Mais il est minoritaire. La plupart des jeunes penchent à gauche et soutiennent largement le président sortant, même si certains instituts de sondage relèvent des signes de changement chez les nouveaux électeurs les plus jeunes.

Selon un sondage GfK-Associated Press mené au début de septembre, 61 pour cent des électeurs inscrits âgés de 18 à 29 ans soutiennent Barack Obama, contre 30 pour cent qui soutiennent Mitt Romney. En 2008, un peu plus de la moitié des 18-29 ans avaient voté et les deux tiers d'entre eux avaient donné leur voix à Obama.

Dans un sondage Gallup réalisé entre le 27 août et le 16 septembre, 63% des électeurs inscrits âgés de 18 à 29 ans se déclaraient décidés à aller voter. Ils étaient 79% en septembre 2008, selon un sondage Abt SRBI.

À San Francisco, Allison Byers, 25 ans, confie sa frustration devant le manque de détermination des jeunes Américains à aller voter, mais elle avoue elle-même se sentir plus «réaliste» qu'enthousiaste pour ce scrutin.

Il est important de noter malgré tout l'arrivée d'une nouvelle classe de jeunes électeurs potentiels, qui n'avaient pas encore 18 ans en novembre 2008. Alors que les jeunes électeurs de 2008 sont devenus adultes dans l'après-11 septembre 2001, «le sens politique des jeunes du nouveau millénaire s'éveille en pleine récession», souligne M. Della Volpe.

Selon les travaux de son équipe, Barack Obama dispose de plus de voix chez les 25-30 ans que chez les 18-24 ans.

Le colistier républicain Paul Ryan, le plus jeune candidat à la vice-présidence de l'histoire des États-Unis, a multiplié les visites sur les campus ces derniers temps. C'est une «décision très, très judicieuse» de la part des républicains, estime John Della Volpe.

MM. Romney et Ryan n'auront pas les suffrages de tous les jeunes, analyse-t-il, «mais ils pourraient capter le vote des Blancs de 18 à 24 ans et bloquer une partie des réserves de voix d'Obama».

La fin de la campagne électorale sera déterminante, car les sondages montrent que les jeunes électeurs ont généralement tendance à faire leur choix au dernier moment.