Le «plus vieil embargo du monde». Travailleurs cubains, ministres ou hommes d'affaires américains commerçant avec Cuba, ils ont tous un même espoir, que le nouveau président élu américain Barack Obama en finisse ou du moins assouplisse  «plus vieil embargo» du monde contre l'île communiste.

Face au Capitole de La Havane, réplique de celui de Washington, qui servit de parlement jusqu'à la révolution de Fidel Castro en 1959, Ramon, petit homme replet d'une quarantaine d'années, se dit «très heureux de la victoire d'Obama qui a promis d'assouplir le blocus».

«Et c'est merveilleux qu'un Noir soit président. J'espère que Cuba sera aussi un jour dirigé par un Noir», dit cet homme de couleur, employé d'une cafétéria.

«J'espère juste qu'Obama va remplir ses promesses», dit pour sa part Rita Valdes, une femme de ménage.

Barack Obama s'est déclaré prêt à ouvrir un dialogue avec Raul Castro, frère et successeur du «Comandante» Fidel depuis février, et a promis d'alléger l'embargo décrété en 1962 par le président John F. Kennedy.

Il souhaite revoir les restrictions imposées aux Cubains exilés aux Etats-Unis pour envoyer de l'argent à leurs proches ou visiter leur pays, les autorités américaines ne leur permettant qu'un voyage tous les trois ans.

Le gouvernement cubain a réagi prudemment. Seule la ministre chargée des Investissements étrangers, Marta Lomas, s'est dit «bien sûr contente qu'Obama ait gagné», déclarant qu'un allégement de l'embargo serait le «bienvenu», tout en soulignant que l'île était prête à ce que la «situation reste inchangée».

Fidel Castro, 82 ans, qui reste très influent malgré sa «retraite médicale», avait pris parti pour Obama, «plus intelligent et cultivé» selon lui que son rival John McCain, mais n'a fait jusqu'ici aucun commentaire sur son élection.

Les présidents brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, bolivien Evo Morales et vénézuélien Hugo Chavez, tous proches de Fidel Castro, ont eux réclamé d'Obama qu'il en finisse avec cet embargo également dénoncé par des hommes d'affaires américains venus assister à la Foire internationale de La Havane.

«Il y a quand même une grande hypocrisie. On nous dit: on ne veut pas faire d'affaires avec un gouvernement communiste, mais on fait bien des affaires avec la Chine, et maintenant on commerce avec la Libye qu'on classait il y a peu parmi les Etats terroristes», estime Terry Coleman, commissaire adjoint à l'agriculture pour l'Etat de Géorgie.

Marvin Lehrer, conseiller pour la Fédération américaine des producteurs de riz, relève que Cuba serait «un marché naturel» pour les Américains, mais qu'en raison de l'embargo, le Vietnam est par exemple le premier vendeur de riz à l'île avec 400.000 tonnes en 2007 (deux tiers de la consommation cubaine).

Les Cubains, qui ne peuvent acheter aux Américains que des produits alimentaires et pharmaceutiques, ne peuvent obtenir de crédits auprès de banques américaines mais doivent «payer d'avance leur marchandise via une tierce partie», souvent une banque européenne, souligne M. Lehrer.

Les Américains sont néanmoins les premiers fournisseurs de denrées à Cuba qui importe 84% de ses besoins alimentaires.

Pour l'économiste dissident Oscar Espinosa Chepe, «le gouvernement cubain perdrait sa meilleure excuse pour expliquer tous les problèmes économiques si l'embargo était levé».

«J'espère qu'Obama va ouvrir un dialogue, mais cela dépend aussi du gouvernement cubain», ajoute-t-il, estimant que les éléments «les plus conservateurs» du gouvernement pourraient tenter de «torpiller» ce dialogue.

Pour d'autres dissidents plus radicaux, il faut d'abord que les «prisonniers politiques» cubains soient libérés avant d'entamer un dialogue.

Mais devant le Capitole, Pedro, un homme au visage buriné, se dit lui pour le moment plus préoccupé par les «étals (de légumes) vides dans les marchés» que par la victoire d'Obama.