Michael Johnson était vêtu hier d'un t-shirt à l'effigie de Barack Obama. La veille, il en portait également un. Aujourd'hui? Vous aurez deviné: il en porte un autre.

«J'en ai sept, de sept couleurs différentes», lance en souriant cet Afro-Américain de 40 ans.Il affiche ses couleurs au quotidien depuis qu'Obama a été officiellement désigné candidat de son parti à la Maison-Blanche à la fin du mois d'août.

«Le temps est venu pour un président démocrate, dit-il. Je n'en peux plus des républicains. Bush s'en est toujours pris aux plus pauvres. Barack Obama, lui, est vraiment derrière nous.»

Michael Johnson est livreur à la pizzeria Capri, dans le quartier Hyde Park. Un établissement que fréquentait régulièrement Obama avant de se lancer dans la course à la présidence. Et d'être forcé de se déplacer avec un essaim d'agents de sécurité.

Le livreur, costaud et corpulent, est un homme de peu de mots. Il marmonne plus qu'il ne parle. Mais il en dit assez pour nous faire comprendre qu'il est à la fois excité et confiant à quelques heures du scrutin. Comme, d'ailleurs, tous les autres résidants de ce quartier rencontrés hier par La Presse.

Hyde Park, à une quinzaine de minutes au sud du centre-ville de Chicago, est une enclave multiethnique qui ravirait Gérard Bouchard et Charles Taylor. Cette Amérique unie dont parle et rêve Obama dans ses discours, on la retrouve ici.

Le sénateur démocrate habite ce quartier depuis la fin des années 80. En 2005, il a troqué son condo contre une luxueuse résidence, qui est aujourd'hui protégée à la fois par des agents de police et des blocs de béton.

En somme, Obama a ses habitudes dans ce quartier. Et des partisans indéfectibles.

«Nous sommes tous sur les dents. Et nous sommes tous très excités», lance Mark Thomas, un des clients de la pizzeria.

À titre d'exemple, il nous raconte que les agents de sécurité d'Obama ont récemment livré une photo autographiée du candidat à une pharmacie du quartier. «Mon ami, qui est gérant, était bouleversé. Ébranlé. J'ai cru qu'il allait s'évanouir!» raconte ce médecin de 40 ans.

Au sortir de la pizzeria, on arpente les trottoirs de la 53e Rue, l'artère commerciale de Hyde Park, sur lesquels Obama a usé ses souliers. Et on aboutit au Cornell Shoe Service. Une échoppe défraîchie où, justement, il faisait réparer ses chaussures.

«Mes clients savent qu'il venait ici. Alors on en parle et on prie beaucoup pour lui», dit Young Shin, cordonnière originaire de la Corée-du-Sud, aux doigts noircis par la cire. Au cours de l'entrevue, elle répétera plusieurs fois qu'Obama se comporte comme «un gars ordinaire» malgré sa célébrité. Ce qui, à ses yeux, le rend encore plus exceptionnel.

Quelques coins de rue plus loin se trouve le Hyde Park Hair Salon, où le candidat démocrate se fait couper les cheveux depuis plus de 10 ans. Lors de ma première visite, en février dernier, on m'avait expliqué le secret de la coupe Obama. «Court sur le dessus et ras sur les côtés.»

Aujourd'hui, la fébrilité est palpable. «Si les gens sont excités? Oh man! Ça buzze ici!»lance le propriétaire, Ishmael Alamin, après m'avoir reconnu.

«En deux jours, nous avons reçu la visite de 60 à 70 reporters de partout dans le monde», ajoute-t-il. L'excitation sera à son comble ce soir. Une partie du quartier se donnera rendez-vous ici pour écouter la soirée électorale.

Mais c'est au centre-ville de Chicago que les célébrations battront leur plein. Obama prononcera un discours dans le parc Grant, là où le pape Jean-Paul II avait célébré une messe en plein air en 1979.

Près de 70 000 chanceux ont obtenu des billets hautement convoités. Mais les autorités de la ville estiment que pas moins d'un million de personnes pourraient se masser autour du site. Il n'y a pas à dire, Chicago a déjà le coeur à la fête.

BARACK OBAMA

Le parcours de Barack Obama, a priori fort singulier, est devenu familier en l'espace de quelques années pour les Américains. Mère blanche née au Kansas. Père noir né au Kenya. Enfance à Hawaii, mais aussi en Indonésie.

Après avoir étudié dans de prestigieuses universités, il quitte New York pour Chicago dans les années 80 et y devient travailleur communautaire. Il se lance en politique en 1996 et devient membre du Sénat de l'Illinois.

En 2004, il est élu au Sénat américain, quelques semaines après avoir prononcé un discours remarqué à la convention démocrate de John Kerry.

S'il devient président, il aura vaincu deux titans de la politique américaine: Hillary Clinton et John McCain.