Chicago, comme plusieurs autres villes américaines, est aux prises avec une véritable épidémie de meurtres. Ce qui inquiète tout particulièrement les habitants de la métropole du Midwest, c'est que les jeunes tombent comme des mouches sous les balles des meurtriers. Jusqu'ici, personne ne semble avoir les moyens de freiner l'hécatombe.

Il y a assurément, ici, quelque chose de détraqué.

Nous sommes à 10 minutes à peine du centre-ville de Chicago, devant la Goethe Elementary School. Un établissement en brique rouge et en béton qui n'a, en soi, rien de particulier.

 

Ce qui prouve que quelque chose ne tourne pas rond, c'est l'omniprésence de «patrouilleurs» autour de cette école primaire. On la croirait assiégée.

En ce matin frisquet d'automne, une quinzaine de «parents patrouilleurs» sont déployés dans la cour de récréation et les environs. Vêtus de débardeurs fluorescents, ils font le guet.

Une poignée d'«élèves patrouil-leurs» sont aussi sur les dents. Ils veillent sur le sort des quelque 760 élèves de l'école.

Sans compter ces trois parents qualifiés de «walking school bus», soit littéralement d'autobus scolaires sur pattes. Ils suivent chaque matin, à pied, un trajet désigné jusqu'à l'école.

Tout ça sous la supervision de Carmen Benitez, responsable de la sécurité de l'école. «Je suis religieuse. Alors chaque matin au réveil, je dis: Dieu, je remets ma vie entre tes mains», nous explique cette latino qui, menue, aux traits fins, n'a pas du tout le physique de l'emploi.

«Il y a actuellement une guerre d'envergure entre des gangs rivaux. Nous travaillons fort pour protéger les jeunes», renchérit la directrice de l'école, Barbara Kargas.

Son école a jusqu'ici été épargnée. Mais la menace existe bel et bien. Un jeune, qui n'était pas un élève de son établissement, a été tué par balles au cours de l'été juste en face de l'établissement.

Et récemment, des membres de gangs de rue ont tapissé de graffitis un mur de l'école faisant face à la cour de récréation. Un avertissement inquiétant.

Hécatombe chez les jeunes

Chicago est la ville du candidat démocrate Barack Obama. Mais c'est aussi celle du mythique Al Capone. Une ville dont l'histoire est intimement liée au crime et à la violence. Ces dernières années, en revanche, le nombre de meurtres avait commencé à chuter.

L'accalmie est terminée. Comme plusieurs autres villes américaines, la métropole de l'Illinois est victime d'une vague de violence. Cette année, de janvier à juillet, on a fait état de 291 meurtres. Une hausse de 18,3% par rapport à la même période l'année précédente. (À titre de comparaison, il y a quelque 40 meurtres par année à Montréal.)

Cet été, selon des statistiques recueillies par le réseau CBS, pas moins de 125 personnes ont été tuées dans les rues de Chicago. Soit près du double du nombre de soldats américains tués en Irak durant la même période.

Des chiffres alarmants...qui deviennent accablants quand on se penche sur la situation chez les jeunes. Lors de la dernière année scolaire, 26 élèves des écoles publiques de Chicago ont été tués. Le nombre grimpe à 36 en ajoutant les élèves morts au cours de l'été. Une véritable hécatombe.

«Au cours des deux dernières années, en moyenne, plus d'un enfant est assassiné toutes les deux semaines à Chicago», s'indigne Arne Duncan, directeur général des écoles publiques de la métropole du Midwest.

Cet ancien joueur de basketball est catastrophé. Il répète sur toutes les tribunes que plusieurs élèves de sa ville ne disent plus «quand je serai grand», mais bien «si un jour je deviens grand».

Au cours d'une entrevue, il nous dira avoir été remué par une lettre reçue l'an dernier. Celle d'une fillette de deuxième année. «Questionnée sur son but dans la vie, elle a simplement répondu: se rendre au dépanneur du coin en toute sécurité», raconte Arne Duncan.

Criminels repentis

Comment met-on fin à cette violence? Une équipe d'universitaires de Chicago propose une solution on ne peut plus originale. Elle a embrigadé plusieurs criminels notoires pour enrayer cette «épidémie» de meurtres, qu'elle traite comme un problème de santé publique.

Lors de notre passage dans la métropole, nous avons assisté à la réunion hebdomadaire de ces membres de l'organisation Ceasefire (cessez-le-feu), baptisés «interrupters» parce qu'ils tentent de freiner la violence.

Une assemblée digne d'un film d'Hollywood à laquelle participaient plus d'une douzaine de criminels repentis. Pour la plupart costauds, ils ont conservé le look de durs à cuire. Mais leur discours n'a plus rien à voir avec leurs tatouages ou leurs mines patibulaires.

À tour de rôle, ils expliquent comment ils ont pu contrecarrer un ou plusieurs meurtres au cours du dernier mois.

Y compris Charles Mack, grand gaillard à la barbe bien taillée, mandaté pour se ruer à l'hôpital après chaque tentative de meurtre. Son but est de décourager la victime de se venger. De prévenir l'escalade.

Mais l'argent se fait rare et Ceasefire a récemment dû réduire le nombre de ses intervenants. Devant l'ampleur du problème et le manque de moyens, certains ne cachaient pas, ce jour-là, leur désarroi.

«Je pense que nous avons permis à la société de créer tout ça, a lancé Charles Mack à ses collègues. Il n'y avait pas autant d'armes à feu autrefois. Et les enfants n'avaient pas accès aux armes à feu.»

Une visite à l'école Goethe, assiégée, n'aurait certainement pas rassuré Charles Mack. D'autant plus que sur un mur du secrétariat, on avait affiché les paroles d'un serment. Des mots que les enseignants souhaiteraient certes ne pas avoir à faire réciter à des élèves du primaire. «Je fais le serment que si je vois une arme à feu, je n'y toucherai pas.»

La violence à Chicago

Chicago est une anomalie aux États-Unis. Depuis quelques années, la criminalité régresse dans les grandes villes de plus d'un million d'habitants comme la métropole du Midwest. Selon un phénomène que les experts ont encore du mal à expliquer, le nombre de meurtres explose plutôt, depuis le milieu de la décennie, dans les villes de taille moyenne. Comme Memphis au Tennesse, Newark au New Jersey ou Oakland en Californie. En général, selon un rapport du FBI publié en juin dernier, la criminalité a légèrement reculé en 2007 dans l'ensemble du pays. Après deux ans de hausse (2005 et 2006) qui ont poussé les autorités à sonner l'alarme, elle a chuté de 1,4%. Les meurtres et homicides involontaires ont diminué de 2,7%. Mais le problème est loin d'être sous contrôle.

Ce qu'en disent les candidats

John McCain est un répubicain pur et dur en matière de lutte contre le crime, expliquait récemment l'hebdomadaire The Economist. À la Stephen Harper, il privilégie une approche punitive et de longues peines de prison. Barack Obama, fait aussi la promotion de mesures « plus strictes «. Et il promet plus de ressources pour les forces de l'ordre s'il est élu. Mais il souhaite aussi s'en prendre aux racines du crime, comme le nombre élevé de familles monoparentales dans la communauté noire.

L'illinois

Springfield

Population 12 713 634

Urbaine 87,8%

Rurale : 12,2%

Plus grande ville : Chicago 2 869 121

Origines ethniques

Blancs 67,8%

Noirs 14,9%

Latinos : 12,3%

Asiatiques : 3,4%

Revenu familial médian : 46,590$

Anciens combattants : 10,9%

Résultats de l'élection de 2000 :

Gore 55%

Bush 43%

Résultats de l'élection de 2004

Kerry 55%

Gore 44%