À Hawaii, la hausse des prix de l'essence fait plus mal que partout ailleurs aux États-Unis. Car ici, 93% de toute la consommation énergétique dépend des carburants fossiles qui sont entièrement importés. Afin de briser cette dépendance, les Hawawiiens ont amorcé un virage radical vers des sources d'énergie renouvelables.

Le porte-avions USS Abraham Lincoln recule lentement dans la baie de Pearl Harbor. Sur le pont, on distingue une file de matelots vêtus de blanc et la silhouette d'avions de chasse. À terre, des touristes ébahis prennent des photos.

 

L'escale du navire à Hawaii a été de courte durée: 48 heures. Mais pour les commerçants, elle s'est traduite par une manne de dollars. Les quelque 5000 marins en permission ont claqué leur fric dans les restaurants, les bars, les boutiques de souvenirs, les salons de tatouage.

Une pluie de billets verts plus que bienvenue dans cet État à l'économie chancelante. La Presse l'a constaté au cours d'un séjour d'une semaine pendant laquelle les mauvaises nouvelles ont déferlé: tourisme en baisse, prix record de l'essence, faillites en hausse, budget amputé dans l'enseignement.

Le grand responsable de ce marasme: le pétrole. La hausse des prix du carburant frappe partout aux États-Unis. Mais encore plus à Hawaii. Isolées au milieu du Pacifique, les îles importent pratiquement tous leurs produits de consommation.

«Nous sommes comme le canari dans la mine de charbon», lance Théodore Peck, spécialiste des questions énergétiques au département du Commerce, du Développement économique et du Tourisme de l'État.

Réduire la dépendance

À l'instar du reste des États-Unis, Hawaii dépend largement (à 93%) des carburants fossiles pour ses besoins énergétiques, que ce soit pour l'alimentation électrique ou les transports.

Pour réduire cette dépendance, l'État s'est lancé dans une furieuse course au développement de nouvelles sources d'énergies renouvelables. Et ici, la géographie des îles devient un avantage. «Le vent, l'eau de la mer, le soleil. Tout cela est gratuit», poursuit Ted Peck.

Cette course est principalement menée par l'Hawaiian Electric Company (HECO), équivalent de notre Hydro-Québec. La liste des technologies utilisées est impressionnante: éoliennes, turbines sous-marines actionnées par les marées, panneaux solaires, cellules photovoltaïques.

Le tout est associé à une vaste campagne d'économies d'énergie; des rabais sont consentis aux consommateurs selon les initiatives. «On a tellement de demandes qu'on a de la difficulté à suivre nos programmes de remboursement», dit M. Rosegg, responsable des communications.

HECO caresse aussi le projet de cultiver plusieurs types de végétaux (palmiers, jatropha, soya, arachide, canola, etc.), afin d'en extraire l'huile destinée à alimenter les centrales électriques. «Un des obstacles est le coût de la main-d'oeuvre», ajoute M. Rosegg.

Air climatisé... à l'eau de mer

À Hawaii, ce n'est pas le chauffage mais la climatisation qui fait grimper la facture d'électricité. Dans le but de la réduire, on s'est tourné vers une technologie de refroidissement à l'eau de mer. C'est ce que l'on a fait au pavillon John F. Burns de l'école de médecine de l'Université d'Hawaii. Ce splendide édifice, inauguré en 2005 et situé à deux pas du Pacifique, est partiellement climatisé grâce à l'eau de mer, amenée dans le système de climatisation grâce à des puits.

«La première année, nous avons réduit de 325 000$ notre facture d'électricité annuelle, qui est de 1,2 million, assure la porte-parole Tina Shelton. L'alimentation électrique nous coûte cher car nous avons un centre de recherches qui fonctionne 24 heures sur 24.»

Le pavillon a servi de projet pilote. On projette d'appliquer la technologie à d'autres grands édifices d'Honolulu.

À Pearl Harbor, la base navale est passée à la vitesse supérieure afin de réduire sa consommation. À la tête d'une équipe de six personnes appelée Energy Team, Krista Stehn se démène pour économiser le moindre cent. Les fenêtres de 11 grands bâtiments administratifs ont été recouvertes de pellicules qui réfléchissent la lumière du soleil; des cellules photovoltaïques sont installées sur plusieurs toits; les 40 systèmes de climatisation sont en voie d'être regroupés en un seul.

«Toutes les agences fédérales ont le mandat de réduire leur consommation de 3% par année ou de 30% d'ici 2015. Entre 2006 et 2008, nous l'avons réduite de 18% par rapport à 2005. Et plus de 50% de nos véhicules terrestres utilisent maintenant des énergies de rechange. Nous sommes en avance», assure-t-elle.

Près du port se trouve un vaste complexe d'unités résidentielles destinées aux familles des militaires. Toutes sont pourvues de panneaux solaires sur le toit. Elles sont faciles à reconnaître lorsqu'on roule le long de l'autoroute 1, qui mène du centre-ville à l'aéroport.

Ce sera dorénavant la norme. Une loi de l'État prévoit qu'à compter de 2010, toutes les nouvelles constructions résidentielles devront être pourvues de panneaux solaires.

L'État est ambitieux. En janvier dernier, il a signé un accord avec le gouvernement fédéral en vertu duquel Hawaii utilisera des énergies renouvelables pour combler au moins 70% de ses besoins (à l'exception du carburant des avions) d'ici 2030. En 2007, ce taux était de 16%.

«Hawaii est l'État le plus vulnérable des États-Unis en ce qui a trait aux changements climatiques, dit Peter Rosegg. On doit devenir un leader, inspirer les gens quant au virage à entreprendre.»

Autrement dit, pour survivre, Hawaii doit montrer l'exemple.

Le coût de l'électricité (résidentiel)

Lieu Prix

Île d'Oahu (Honolulu) 20,5 ¢ / kWh

Île d'Hawaii (Big Island) 32,8 ¢ / kWh

Île de Kauai 46,6 ¢ / kWh

Au Québec 5,40 ¢ / kWh

(premiers 30 kWh) 7,33 ¢ / kWh

(après 30 kWh)

La position des candidats

John McCain (R) : Son plan mise sur les forages en mer afin de trouver de nouvelles sources de pétrole. Cela, dit-il, permettra aux États-Unis de réduire leur dépendance, le temps de construire de nouvelles centrales nucléaires et de développer des technologies plus vertes.

Barack Obama (D) : Il ne voit pas d'un bon Sil les forages en mer ni le nucléaire. Il propose d'investir 150 milliards dans les sources d'énergies renouvelables, l'introduction d'un million de voitures plus vertes et un programme national d'économies énergétiques.

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Hawaii

Capitale : Honolulu

Population : 1 285 498 habitants

Population urbaine : 70,4 %

Population rurale : 29,6 %

Plus grande ville : Honolulu

Origines ethniques

Blancs : 28,6 %

Noirs : 2,5 %

Asiatiques : 40,0 %

Hawaiiens : 9,1 % *

Autres : 19,8 %

Revenu médian : 36 300 dollars

Anciens combattants : 9,1 % de la population

Élections de 2000

Démocrates : 55,3 %

Républicains : 37,1 %

Élections de 2004

Démocrates : 54,0 %

Républicains : 45,3 %

* Incluant les habitants d'origine partiellement hawaiienne et originaires des autres îles du Pacifique.

Les énergies fossiles

Que ce soit dans leur partie continentale, en Alaska ou à Hawaii, les États-Unis dépendent presque entièrement des sources d'énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) pour leur alimentation électrique et les transports. L'État d'Hawaii est encore plus dépendant que les autres car il est isolé et doit importer toutes ses ressources. Plus de 75 % de l'électricité y est générée par des centrales au gaz comparativement à 2 % sur le continent. Hawaii s'approvisionne à divers endroits en pétrole : Russie, Indonésie, Australie, Alaska, Amérique du Sud et Moyen-Orient.

70%

Hawaii utilisera des énergies renouvelables pour combler au moins 70% de ses besoins (à l'exception du carburant des avions) d'ici 2030.