Jusqu'à tout récemment, la poursuite de la guerre en Irak et la lutte contre le terrorisme ont largement dominé les discours des candidats à la présidence. La crise financière a repoussé cette question dans la liste des priorités. Mais un jour ou l'autre, elle va rattraper le prochain locataire de la Maison-Blanche.

Un jour, à l'école secondaire, Edward «Augie» Schroeder II a écrit une fiction intitulée La Quatrième Guerre mondiale. Dans cette histoire, le Canada envahissait les États-Unis. Au terme de celle-ci, Augie devenait le chef des rebelles pour chasser les Canadiens.

 

C'est en quelque sorte le contraire qui s'est passé.

Le 3 août 2005, Augie Schroeder, caporal dans le 3e bataillon de la 25e brigade de réserve des marines, a été tué en Irak. Le véhicule de transport dans lequel il se trouvait a roulé sur une bombe artisanale. Quatorze marines et un traducteur irakien sont morts.

Augie avait 23 ans.

«C'est quand même étrange. Dans son histoire, il devenait un insurgé. Dans la réalité, ce sont des insurgés qui l'ont tué», dit son père, Paul un grand gaillard chauve à la voix posée.

L'homme de 59 ans et son épouse Rosemary Palmer, 61 ans, sont assis, jambes croisées, un à côté de l'autre, dans le salon de la maison familiale à Brooklyn Heights, un quartier de Cleveland. Ils parlent à tour de rôle, partagent leurs souvenirs d'Augie. L'un commence une phrase que l'autre termine. Paul est très intérieur, cérébral. Rosemary sourit davantage. Mais parfois, elle essuie ses yeux.

«Encore aujourd'hui, je n'arrive pas à leur en vouloir, dit Paul à propos de ceux qui ont posé la bombe qui a emporté son seul fils. Ils essayaient de combattre leur envahisseur.»

«Cette bombe, c'est George W. Bush qui l'a placée là», dit Rosemary.

Leur fils s'est engagé dans les marines à la suite des attaques du 11 septembre 2001. Il a largué ses cours universitaires, qui ne lui plaisaient pas. Il n'aimait pas la violence, assure ses parents, mais il voulait traquer Oussama ben Laden. Il a choisi les marines pour le défi. Quand il a amorcé son entraînement, les murmures d'une guerre en Irak commençaient à se faire entendre.

Communauté éprouvée

Deux jours avant la mort de ces 14 Américains, six autres militaires originaires d'Akron, autre ville d'Ohio située près de Cleveland, avaient péri.

«Ce fut comme un point culminant dans l'opinion publique, dit Paul Schroeder. Jusque-là, on perdait un, deux, trois soldats à la fois. C'était comme une routine. Mais 20 hommes en deux jours! Les gens ont commencé à protester. Même les parents de certains militaires.»

En novembre 2005, le couple a fondé une association, Friends of the Fallen for Change, qui regroupe environ 1700 membres de tous les États. Il y a des anciens combattants, des parents de soldats tués, des démocrates, des républicains.

Au départ, l'organisme ne réclamait pas un retrait complet des troupes mais des changements. Aujourd'hui, Paul et Rosemary ne croient plus à cette guerre. «Le temps est venu de ramener les soldats à la maison», disent-ils.

«Mais cela ne nous empêche pas d'être patriotes, souligne Rosemary. Nous continuons, sur notre site, à encourager les militaires déployés.»

Beaucoup de parents de militaires tués ne partagent pas l'opinion du couple. Notamment ceux de militaires tués qui faisaient partie de la même unité qu'Augie. Leurs commentaires sont nombreux dans les journaux de l'Ohio. Pour eux, les États-Unis doivent aller jusqu'au bout. Pour assurer la sécurité de leur pays et pour que leurs enfants ne soient pas morts en vain.

Par contre, tous les sondages indiquent qu'une majorité d'Américains s'opposent aujourd'hui à la poursuite de la mission. Sauf que cette question ne constitue plus l'enjeu principal de la campagne présidentielle. Encore moins avec la débandade économique actuelle.

«Lorsque les principaux candidats ont annoncé leur intention de briguer la présidence, au début de 2007, la guerre était de loin l'enjeu principal, dit Joe Frolik, éditorialiste au quotidien The Plain Dealer de Cleveland. Les questions économiques se situaient loin dans la liste des enjeux. Mais la situation s'est beaucoup résorbée en Irak alors que l'économie est en mauvaise posture.»

À la mémoire de soldats

Les parents endeuillés d'Augie estiment que la campagne qu'ils mènent représente l'héritage de leur fils. «Augie a fait son travail. Maintenant, nous faisons le nôtre. Pour lui. Pour l'honorer», dit Paul.

Après l'entrevue, Paul nous a amené à la caserne des marines à laquelle Augie était rattaché. À l'intérieur de l'enceinte clôturée, il a garé sa camionnette bleue à deux pas d'un petit mémorial érigé à la mémoire des soldats de l'unité tués en service. Chaque défunt est représenté par une brique sur laquelle sont inscrits nom, unité et date de la mort.

Paul Schroeder a montré celle d'un soldat mort en mai 2005. «Je suis allé à ses funérailles et je tremblais comme une feuille tellement j'avais peur que cela arrive à mon fils», dit-il.

Il en amontre une autre. «Tu vois, dit-il, ce gars-là est mort le 28 juillet 2005. Quand il a été tué, Augie nous a envoyé un courriel nous assurant que tout allait bien, qu'il n'était pas concerné par cette attaque. Cinq jours après, c'était son tour.»

Nous sommes remontés à bord de la camionnette que son fils avait achetée avant son déploiement. Paul n'a pas l'intention de s'en départir. Il m'a laissé devant la porte de mon hôtel. Nous nous sommes serré la main. J'ai regardé la camionnette s'éloigner. Sur la plaque d'immatriculation, on lisait: AUGIE23.

La position des candidats

John McCain : envers et contre tous, le candidat républicain veut terminer le travail amorcé sous le régime Bush et gagner la guerre en Irak. Il reproche à son adversaire de nier que les États-Unis sont en train de gagner et joue à fond la carte de son expérience militaire.

Barack Obama : le candidat démocrate à la présidence souhaite un retrait des troupes américaines d'ici les deux prochaines années. Il entend procéder à un retrait progressif, associé à l'envoi de 10 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Il rappelle s'être opposé dès le début à cette guerre.

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PENNSYLVANIE

Capitale: Harrisburg

Plus grande ville: Philadelphie

Population: 12 406 292 habitants

Rurale : 23%

Urbaine : 77%

Revenu médian: 40 106 $ par année

Langues :

Anglais (89%)

Autres langues européennes (5,4%)

Espagnol (3,7%)

Origines ethniques :

Blancs : 84,1%

Noirs : 9,8%

Latinos : 3,2%

Anciens combattants:

13,7%

Nombre de sénateurs :

1 démocrate

1 républicain

Nombre de représentants: 19

12 républicains

7 démocrates

Nombre de grands électeurs :

Élection de 2004

John Kerry : 54,0%

George W. Bush : 45,3%

Élection de 2000 :

Al Gore : 55,8%

George Bush : 37,5%

Le coût des guerres américaines

Date d'entrée en guerre en Irak: 19 mars 2003

Date d'entrée en guerre en Afghanistan: 7 octobre 2001

Nombre de soldats américains en Afghanistan: 48 250

Soldats américains tués en Afghanistan : 606

Nombre estimé de civils morts en Irak

88 000 - 96 000