La nouvelle est passée quasiment inaperçue en raison de l'émoi suscité par le débat des colistiers : jeudi, l'équipe de John McCain a annoncé qu'il abandonnait l'État du Michigan à Barack Obama.

L'annonce faisait suite à la publication d'un sondage qui donne le candidat démocrate gagnant par plus de 10 points dans cet État industriel du Midwest, où McCain a dépensé jusqu'ici près d'un million de dollars par semaine. Le candidat républicain orientera ses troupes et son argent vers d'autres États, y compris la Virginie, où son rival se fait menaçant.

John McCain, aussi bien que Barack Obama, a commencé sa campagne à la Maison-Blanche en exprimant sa volonté de s'affranchir de la cartographie électorale classique des États-Unis. À l'entendre, il allait conquérir des États qui ont voté pour les candidats démocrates lors des dernières élections présidentielles, dont le Michigan, le New Jersey et la Pennsylvanie, entre autres.

Mais sa décision de faire l'impasse sur le Michigan illustre la conjoncture difficile à laquelle il fait face. En revanche, Barack Obama conserve toutes ses chances de redessiner la carte électorale des États-Unis. À un mois de l'élection présidentielle, il menace ou devance son rival dans plusieurs États qui ont voté pour George W. Bush en 2000 et en 2004, dont l'Ohio, la Floride et la Virginie, notamment.

C'est ainsi que les Américains pourraient bien se réveiller, au lendemain du scrutin du 4 novembre, avec des États peints en bleu dans des régions - le Sud et le Sud-Ouest - où la couleur des démocrates était absente lors des deux dernières élections présidentielles.

L'importance de cette carte électorale découle évidemment du mode de scrutin américain. Le président des États-Unis n'est pas élu au suffrage universel direct. En se rendant aux urnes, les citoyens américains désigneront les 538 grands électeurs qui, au final, choisiront le prochain locataire du 1600 Pennsylvania Avenue. Chaque État dispose d'un nombre de grands électeurs qui varie en fonction de son poids démographique. Le candidat qui obtient la majorité dans un État rafle la totalité de ses grands électeurs, à deux exceptions près - le Maine et le Nebraska, qui ont un scrutin proportionnel.

Il faut au moins 270 grands électeurs pour être élu à la Maison-Blanche. Selon le site indépendant RealClearPolitics.com, qui compile tous les sondages réalisés aux États-Unis, Barack Obama jouit d'une avance solide ou plutôt solide dans des États totalisant 264 grands électeurs, alors que John McCain mène dans des États qui lui donnent en tout 163 grands électeurs. Deux des États où Obama a l'avantage ont voté pour George W. Bush en 2000 et 2004 : l'Iowa et le Nouveau-Mexique.

Si on donne au candidat démocrate les États où son avance dans les sondages est jugée modeste - de 4,2 à 5,3% -, son total de grands électeurs passe à 353, contre 185 pour John McCain. Ces États sont la Floride, l'Ohio, le Nevada, le Colorado, la Caroline-du-Nord et la Virginie, qui ont voté pour George W. Bush en 2000 et 2004.

Dernier mois

Barack Obama aura évidemment réussi à redessiner la carte électorale des États-Unis s'il gagne ces États. Mais il peut se passer bien des choses au cours du dernier mois de la campagne électorale. Les progrès du candidat démocrate dans les sondages nationaux et locaux ont coïncidé avec la crise financière à Wall Street et le premier débat télévisé entre les deux candidats présidentiels. Une crise internationale pourrait changer la donne.

En attendant, l'équipe de John McCain réalise qu'il ne lui suffira pas de vanter les mérites du candidat républicain et de son programme pour renverser la vapeur. Aussi a-t-elle promis vendredi d'attaquer plus durement Barack Obama sur son jugement, son honnêteté et ses fréquentations personnelles.

Il faut notamment s'attendre à ce que John McCain critique les contacts du sénateur de l'Illinois avec Bill Ayers. Ce professeur de l'Université de l'Illinois à Chicago a appartenu aux Weathermen, groupe extrémiste qui, il y a une quarantaine d'années, a revendiqué des attentats à la bombe notamment contre le Pentagone et le Capitole - attentats qui n'avaient pas fait de victimes.

L'efficacité de cette stratégie demeure toutefois incertaine. Ce qui est sûr, cependant, c'est que

John McCain doit aujourd'hui défendre des États qui lui semblaient acquis. Et l'on ne parle pas seulement de la Floride, de la Caroline-du-Nord et de la Virginie, mais également du Missouri et de l'Indiana.