Le secrétaire d'État américain John Kerry a démenti avec force lundi soir avoir jamais qualifié Israël d'«État d'apartheid», tout en reconnaissant à demi-mots avoir employé ce terme lors d'une réunion privée vendredi, provoquant ainsi une polémique.

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«Je ne crois pas, ni n'ai jamais déclaré publiquement ou dans le privé qu'Israël était un État d'apartheid ou qu'il avait l'intention de le devenir», a affirmé M. Kerry dans un communiqué.

Un site américain d'informations en ligne, The Daily Beast, avait rapporté lundi matin que le chef de la diplomatie américaine avait averti Israël du risque de devenir un État d'«apartheid» s'il ne faisait pas la paix rapidement avec les Palestiniens.

D'après ce média, affirmant détenir un enregistrement de ces propos, John Kerry a fait cette remarque vendredi lors d'une réunion à huis clos d'un centre de réflexion à Washington.

«La création de deux États sera la seule solution réaliste. Parce qu'un État unitaire finirait par être soit un État d'apartheid avec des citoyens de seconde classe, soit un État qui détruira la capacité d'Israël d'être un État juif», selon ces déclarations du secrétaire d'État rapportées par le Daily Beast.

«Je ne suis pas tombé de la dernière pluie pour savoir aussi que les mots ont le pouvoir d'être mal interprétés, même de manière non intentionnelle, et si je pouvais rembobiner la bande, j'aurais choisi un autre mot», a concédé M. Kerry dans son communiqué.

Dans la journée, face à une polémique qui commençait à enfler avec des dirigeants israéliens, le département d'État avait déjà affirmé que son ministre n'avait «jamais déclaré qu'Israël était un État d'apartheid».

Le ministère n'avait toutefois pas nié qu'il ait employé ce terme historiquement connoté et faisant référence au système social ségrégationniste en vigueur en Afrique du Sud de 1948 à 1994.

«Je ne permettrai pas que mon engagement pour Israël soit discuté par quiconque, en particulier pour des objectifs politiques partisans», s'est encore défendu John Kerry, parrain de la reprise fin juillet 2013 des négociations de paix israélo-palestiniennes qui sont actuellement suspendues.

M. Kerry s'est attiré lundi les foudres du ministre israélien des Transports Israel Katz, qui a écrit sur sa page Facebook: «Kerry honte à vous! Il y a des mots que l'on ne peut pas employer». Aux États-Unis, le sénateur républicain du Texas Ted Cruz a réclamé la «démission» du secrétaire d'État, tandis que son collègue de l'Arizona, John McCain, a demandé qu'il «présente ses excuses».

Le terme d'apartheid «est un mot qu'il vaut mieux laisser en dehors du débat ici» aux États-Unis, a reconnu le ministre américain.

M. Kerry, qui s'est rendu en un an plus de dix fois au Proche-Orient et a eu des centaines d'heures d'entretiens avec les dirigeants de la région, a réaffirmé que «la seule manière à long terme d'avoir un État juif, deux nations et deux peuples vivant côte à côte en paix et en sécurité, passait par une solution à deux États».

«Un État unitaire et binational ne peut pas être l'État juif démocratique qu'Israël mérite ou l'État prospère avec les pleins droits que les Palestiniens méritent», a encore martelé le chef de la diplomatie américaine.

Lundi, Israël et les Palestiniens apparaissaient déterminés à consommer leur rupture, à la veille de la date butoir des neuf mois de négociations de paix, le 29 avril, une échéance de toute façon jugée irréaliste depuis plusieurs mois.

Le leader républicain de la Chambre des représentants, Eric Cantor, a déclaré que M. Kerry devait s'excuser, tandis que l'American Israel Public Affairs Committee a estimé que le terme utilisé par le secrétaire d'État était offensant.

Photo: Reuters

Ted Cruz