Les pourparlers de paix portés à bout de bras par le secrétaire d'État américain John Kerry apparaissaient mardi au bord de l'effondrement après la décision des Palestiniens de reprendre la voie de l'ONU, face à la relance de la colonisation israélienne et au contentieux sur les prisonniers.

Cette brutale détérioration du climat a conduit John Kerry, attendu mercredi à Ramallah, en Cisjordanie, pour un nouveau voyage éclair après avoir quitté Israël dans la matinée, à annuler sa visite.

M. Kerry a exhorté les deux parties «à faire preuve de retenue».

La direction palestinienne a décidé de demander l'adhésion à 15 agences et traités internationaux, à commencer par la Quatrième Convention de Genève sur la protection des civils, a annoncé le président Mahmoud Abbas dans une intervention télévisée.

«La direction palestinienne a approuvé à l'unanimité la décision d'adhérer à 15 agences de l'ONU et traités internationaux», a déclaré M. Abbas, qui a signé devant les caméras la demande d'adhésion à la Quatrième Convention de Genève, souvent citée par les responsables palestiniens «en raison de son applicabilité aux Territoires palestiniens comme territoires occupés» et à la colonisation.

Le président palestinien a expliqué qu'il était possible de devenir membres de ces conventions et traités immédiatement et sans autre formalité.

Cette décision intervient peu après l'annonce d'un nouvel appel d'offres par le gouvernement israélien pour 708 logements dans le quartier de colonisation de Gilo, à Jérusalem-Est occupée et annexée.

Les autres demandes d'adhésion sont de portée générale, sur les droits de l'Homme, des femmes, et contre la corruption, selon des participants à la réunion de la direction palestinienne.

«Nous n'agissons pas contre les États-Unis, ni contre aucune autre partie, bien que ce soit notre droit et que nous ayons accepté d'en reporter l'utilisation pendant neuf mois», a souligné M. Abbas, assurant de sa «détermination à parvenir à un règlement par les négociations» avec Israël.

Son porte-parole, Nabil Abou Roudeina, a accusé «le gouvernement israélien de porter l'entière responsabilité de l'échec de la mission du secrétaire d'État Kerry», citant le refus d'Israël de relâcher des prisonniers et la colonisation.

Le député indépendant palestinien Moustapha Barghouthi a affirmé à l'AFP que par cette décision «la direction palestinienne avait repris la bataille aux Nations unies contre Israël».

Lors d'une précédente réunion lundi soir, la direction palestinienne avait exigé des assurances de M. Kerry sur la libération par Israël d'un dernier groupe de prisonniers, qui était prévue le 29 mars, sous peine de relancer ses démarches à l'ONU.

Dans un communiqué, le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, a salué «une décision bonne mais tardive» de M. Abbas, en réclamant la fin des négociations et la relance de la réconciliation interpalestinienne.

Négociations prolongées? 

Un accord conclu sous l'égide du chef de la diplomatie américaine a permis la reprise en juillet pour neuf mois des négociations de paix, un délai arrivant à échéance le 29 avril.

En vertu de cet accord, la direction palestinienne avait suspendu jusqu'à la fin des pourparlers toute démarche d'adhésion aux quelque 63 organisations et conventions internationales auxquelles le statut d'État observateur obtenu en novembre 2012 à l'ONU lui donne accès.

En contrepartie, Israël s'engageait à libérer en quatre phases 104 prisonniers incarcérés avant les accords d'Oslo de 1993, dont les trois premiers groupes ont été relâchés.

M. Kerry s'efforce depuis d'arracher un compromis sur la libération de prisonniers palestiniens par Israël, qui pourrait aboutir à l'élargissement de Jonathan Pollard, arrêté en 1985 et condamné à perpétuité aux États-Unis pour espionnage au profit d'Israël.

Selon une proposition d'accord, Pollard serait libéré à la mi-avril, les négociations de paix seraient prolongées jusqu'en 2015 et un groupe supplémentaire de prisonniers palestiniens serait relâché en plus du dernier contingent prévu, a indiqué une source israélienne proche des discussions sous couvert de l'anonymat.

Mais la Maison-Blanche et le département d'État ont prévenu mardi qu'aucune décision de clémence n'avait été prise concernant Jonathan Pollard.

Le négociateur palestinien Saëb Erakat a rencontré lundi soir M. Kerry, puis l'émissaire américain Martin Indyk et les négociateurs israéliens Yitzhak Molcho et la ministre de la Justice Tzipi Livni, a indiqué à l'AFP une source palestinienne proche du dossier.

Mais la réunion n'a rien donné «en raison de l'insistance d'Israël sur un accord palestinien pour prolonger les négociations jusqu'à la fin de l'année en échange du quatrième contingent de prisonniers», a-t-on précisé.

Les négociateurs palestiniens réclament, outre l'arrêt de la colonisation, la libération d'un millier de prisonniers supplémentaires, dont des dirigeants tels que Marwan Barghouthi et Ahmad Saadat, des malades, des personnes âgées et des femmes, tandis qu'Israël en propose 420, à sa discrétion, ainsi que l'ouverture permanente du passage frontalier entre la Cisjordanie et la Jordanie et des mesures de regroupement familial, selon la même source.