Israël a lancé dimanche des appels d'offre pour construire près de 2000 logements en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexée à la veille d'une nouvelle visite du secrétaire d'État américain censée relancer un processus de paix en difficulté.

Selon l'ONG israélienne anti-colonisation La Paix Maintenant, ces appels d'offre concernent 1.031 unités d'habitation en Cisjordanie et 828 à Jérusalem-Est. Ils ont été publiés sur le site de l'Agence foncière d'Israël.

«Chaque fois que (le Premier ministre Benjamin) Netanyahu fait un petit pas vers la paix, il en fait deux grands pour faire en sorte qu'il soit plus difficile de parvenir à la paix», a déploré La Paix Maintenant dans un communiqué.

«Non seulement les appels d'offre publiés aujourd'hui ne vont pas faciliter les pourparlers mais ils vont créer des réalités sur le terrain qui rendront beaucoup plus dure la solution à deux États (israélien et palestinien côte à côte)», a souligné l'ONG.

En réaction à l'annonce israélienne, les Palestiniens ont menacé de se pourvoir devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

«L'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) examine un mécanisme pour aller devant le Conseil de sécurité (de l'ONU) et condamner ces nouvelles décisions israéliennes, d'autant qu'il existe des résolutions internationales qui déclarent illégales les colonies», a expliqué à l'AFP Wassel Abou Youssef, un membre de la direction de l'OLP.

L'Autorité palestinienne a déjà menacé à plusieurs reprises de saisir la justice internationale en réponse à la poursuite de la colonisation qui, selon elle, «détruit le processus de paix».

L'annonce israélienne est intervenue avant une énième mission du secrétaire d'État américain, John Kerry, en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Artisan de la reprise fin juillet du dialogue direct entre Israël et les Palestiniens, après trois années d'interruption, M. Kerry a reconnu de récentes tensions, notamment après la décision d'Israël cette semaine d'accélérer la colonisation contre la libération de 26 prisonniers palestiniens.

Peu de temps avant l'annonce du nouveau programme de construction israélien, le chef de la diplomatie américaine s'était dit «optimiste» dimanche quant au processus de paix, affirmant espérer des «progrès dans les prochains mois», en dépit du pessimisme affiché aussi bien côté palestinien qu'israélien.

Il a admis que les constructions israéliennes avaient «perturbé la perception de quelques uns quant à savoir si certains étaient sérieux et avançaient dans la bonne direction».

Toutefois, a-t-il ajouté, «je pense qu'il est possible d'aller de l'avant mais nous devons rester calmes, déterminés et engagés dans un processus au travers duquel les décisions difficiles peuvent être négociées». Il doit rencontrer mercredi M. Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas.

«Les Américains sont au courant»

«Israël honore tous les arrangements agréés au début des négociations avec les Palestiniens», a assuré M. Netanyahu lors d'une réunion des ministres de son parti Likoud, selon un responsable présent à la rencontre.

«Les Palestiniens savaient très bien qu'Israël bâtirait pendant les négociations», a déclaré ce responsable à l'AFP. Plusieurs dirigeants israéliens ont également affirmé que «les Américains aussi étaient au courant».

La direction palestinienne nie véhémentement avoir accepté la construction de nouveaux logements dans les implantations juives en échange de l'élargissement de ces détenus.

Mercredi, au lendemain de la libération des prisonniers, un haut responsable gouvernemental israélien avait confirmé à l'AFP la construction de 1500 nouveaux logements dans le quartier de colonisation de Ramat Shlomo à Jérusalem-Est.

En mars 2010, l'annonce de la mise en chantier de 1600 logements à Ramat Shlomo -- situé dans le secteur oriental de Jérusalem peuplé en majorité d'Arabes -- en pleine visite du vice-président américain Joe Biden avait déclenché un sérieux coup de froid dans les relations américano-israéliennes et la colère des Palestiniens.

Lors d'une réunion du Comité exécutif de l'OLP jeudi soir à Ramallah (Cisjordanie), les dirigeants palestiniens se sont engagés à réagir fermement aux nouvelles constructions israéliennes.

«La direction palestinienne prendra des mesures ces prochains jours pour répondre à l'offensive de colonisation», a averti l'OLP à l'issue de la réunion dirigée par le président Abbas.

Jusqu'à présent, la direction palestinienne s'est abstenue temporairement de toute démarche unilatérale à l'ONU, notamment de saisir la justice internationale, pour donner une chance aux efforts de paix américains en cours.

Israël construira une barrière à la frontière avec la Jordanie

Israël va construire une clôture à la frontière avec la Jordanie, a rapporté la presse dimanche, mettant en rage les Palestiniens avant des discussions avec le secrétaire d'État américain John Kerry.

Israël a dit depuis longtemps qu'il entendait maintenir une présence militaire le long de la vallée du Jourdain, ce à quoi s'opposent les Palestiniens, qui refusent tout maintien d'une présence militaire israélienne le long des frontières d'un futur État palestinien après la conclusion d'un accord de paix, et ce notamment dans la vallée du Jourdain (est de la Cisjordanie occupée).

Dimanche matin, le quotidien israélien Maariv, a affirmé que le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait décidé «de construire une barrière de sécurité dans la vallée du Jourdain».

Selon le journal, cette décision intervient sur fond de «divergences d'opinion» et «d'impasse dans les négociations israélo-palestiniennes à cause du contrôle militaire de la vallée du Jourdain».

Selon l'article de Maariv, M. Nétanyahou doit donner son feu vert à la construction «juste après la fin de la construction de la barrière à la frontière avec l'Égypte».

En janvier 2012, le premier ministre avait affirmé à ses ministres qu'il «renforcerait les barrières le long de la frontière avec la Jordanie», afin de stopper l'immigration clandestine, une fois la barrière de sécurité entre Israël et l'Égypte dans la péninsule du Sinaï achevée.

Un porte-parole de M. Nétanyahou a refusé de donner plus de détails sur ces projets, ou de commenter l'article de Maariv, repris par l'agence palestinienne Wafa.

Le porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé ces projets: «Les déclarations du premier ministre israélien sur la construction d'une barrière dans la vallée du Jourdain n'ont pour but que de faire échouer la visite du secrétaire (d'État américain) Kerry», a-t-il affirmé, cité par Wafa.

M. Kerry doit rencontrer M. Abbas et Nétanyahou séparément mercredi, pour tenter de donner un nouvel élan aux négociations de paix, alors que les Palestiniens dénoncent l'attitude d'Israël, qui a annoncé la construction de nouveaux logements dans les colonies.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a imposé un black-out médiatique sur les pourparlers de paix auxquels il a ramené les deux parties fin juillet, après un gel de près de trois ans.

Prenant la parole à l'ouverture de la réunion hebdomadaire de son cabinet, M. Nétanyahou a affirmé dimanche que l'une des deux composantes essentielles d'un possible accord de paix était les dispositions relatives à la sécurité d'Israël, «au premier rang desquelles le fait que la frontière de sécurité reste le long du Jourdain», sans préciser s'il entendait par là une présence militaire ou une barrière.

PHOTO BAZ RATNER, AGENCE FRANCE PRESSE

M. Nétanyahou (au centre) a pris la parole à l'ouverture de la réunion hebdomadaire de son cabinet.