Les négociations de paix directes entre Israéliens et Palestiniens reprennent à Washington ce lundi soir après un gel de trois ans, alors que la décision de libérer des prisonniers palestiniens provoque déjà une vive réaction en Israël. «C'est un jour très spécial», a déclaré lundi à Riga le président israélien Shimon Pérès.

«Le Moyen-Orient se trouve dans une situation orageuse. Nous espérons que le Moyen-Orient va surmonter sa tempête et parviendra à la paix». Les États-Unis ont annoncé dimanche que les premières réunions entre Israéliens et Palestiniens auraient lieu «lundi soir 29 juillet et mardi 30 juillet» pour «reprendre formellement les négociations directes».

«Ces négociations seront une occasion de développer un plan de travail qui déterminera comment les parties procèderont dans ces négociations au cours des prochains mois», a souligné le département d'État. Pariant sur une diplomatie discrète, le secrétaire d'État américain John Kerry avait arraché la semaine dernière, à l'issue de son sixième voyage dans la région, un accord pour une reprise des pourparlers de paix gelés depuis septembre 2010. Il a invité personnellement le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à envoyer leurs négociateurs à Washington.

Les dernières négociations de paix avaient tourné court en raison de la poursuite de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Cette fois, les négociations seront dirigées côté israélien par la ministre de la Justice Tzipi Livni et côté palestinien par le négociateur en chef Saëb Erakat, tandis que des responsables américains seront présents. Mme Livni sera accompagnée par Yitzhak Molcho, l'émissaire personnel de M. Nétanyahou, selon les médias israéliens.

Preuve de la fragilité de ces débuts de négociation, la décision du gouvernement israélien, annoncée dimanche, d'approuver la libération de 104 prisonniers palestiniens arrêtés avant les accords d'Oslo en 1993 a été saluée par l'Autorité palestinienne mais provoque déjà des vives réactions en Israël. «Il s'agit d'une étape importante et (nous) espérons pouvoir saisir l'opportunité fournie par les efforts de l'administration américaine pour parvenir à un accord de paix durable et juste», a dit à l'AFP le négociateur palestinien Saëb Erakat.

Le quotidien israélien Yediot Aharonot a en revanche rejeté cette décision, titrant en première page: «Les assassins vont être libérés». Les noms des prisonniers n'ont pas été rendus publics, mais la liste inclurait des meurtriers de femmes et d'enfants israéliens, selon les médias. «Nous y voilà à nouveau», titrait le Jérusalem Post. «Ces assassins vont être accueillis en héros à Hébron, Ramallah et Jénine», déplorait-il. Pour le quotidien Maariv, «comme toujours, le gouvernement a choisi la pire des solutions».

Seul le journal de gauche Haaretz accueillait avec optimisme la décision de libérer des prisonniers: «Le gouvernement israélien a décidé dimanche de voir la réalité en face». «Il y a des moments où on doit prendre des décisions difficiles pour le bien du pays et c'est un de ces moments», a dit M. Nétanyahou aux ministres au début de la réunion.

Qadura Fares, chef du Club des prisonniers palestiniens avait assuré dimanche avant le vote qu'il n'y aurait aucune négociation avec l'État hébreu sans la libération des 104 détenus. «S'ils ne les libèrent pas tous, il n'y aura pas de négociations», avait-il dit. Avant d'approuver la libération de prisonniers palestiniens, le Conseil des ministres avait adopté un projet de loi prévoyant un référendum en cas d'accord de paix avec les Palestiniens. Selon ses services, M. Nétanyahou a jugé «important que, pour de telles décisions historiques, chaque citoyen vote directement».

Le référendum deviendrait ainsi la dernière étape nécessaire pour entériner un éventuel accord de paix, après l'approbation du gouvernement puis celle du Parlement. Ce projet de loi est vu comme un geste envers les ministres de droite qui appréhendent les concessions pouvant être demandées à Israël lors des négociations. Ils craignent la cession de territoires sous contrôle israélien, comme Jérusalem-Est, sur une simple décision du cabinet.

Kerry nomme l'ex-ambassadeur Indyk

Le secrétaire d'État américain John Kerry a nommé lundi l'ancien ambassadeur en Israël Martin Indyk comme émissaire spécial pour les négociations de paix.

Le chef de la diplomatie américaine a indiqué à la presse que M. Indyk aurait la tâche de superviser la reprise des pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, un «processus difficile» après près de trois ans de gel.

Âgé de 62 ans, Martin Indyk avait été ambassadeur en Israël à deux reprises, de 1995 à 1997 puis de 2000 à 2001. Il était l'un des conseillers du président Bill Clinton durant les négociations de Camp David.

Il était jusqu'à présent l'un des experts réputés du centre de recherches Brookings Institution.

Né en juillet 1951 à Londres, il avait émigré aux États-Unis dans les années 1980 avant d'en acquérir la nationalité en 1993. Il a été membre du principal groupe de pression américain pro-israélien American Israel Public Affairs Commitee (Aipac).

«Je suis convaincu depuis 40 ans que la paix est possible», a déclaré M. Indyk aux côtés de M. Kerry.

«Et parce que vous aviez confiance dans le fait que cela est possible, vous avez relevé le défi au moment où la plupart des gens pensaient que vous meniez une mission impossible», a encore dit le diplomate à l'adresse de son ministre, qui a redoublé d'efforts depuis le mois de mars pour relancer les négociations israélo-palestiniennes.