Les États-Unis avaient, ces derniers jours, adopté un ton inhabituellement ferme vis-à-vis de leur allié israélien face au nombre de victimes civiles à Gaza. Vendredi matin, quelques heures après l'échec du cessez-le-feu, ils ont désigné un seul responsable: le Hamas.

Alors qu'Israël et le Hamas se renvoyaient la responsabilité de la rupture de cette trêve de 72 heures, annoncée jeudi soir par le secrétaire d'État américain John Kerry, la Maison-Blanche a dénoncé une violation «barbare» de l'accord par le mouvement islamiste palestinien.

La capture d'un soldat israélien, un sous-lieutenant de 23 ans, au cours d'un affrontement dans lequel deux soldats ont été tués, explique pour une large part cette condamnation extrêmement claire et rapide de Washington.

«Nous avons condamné sans équivoque le Hamas et les factions palestiniennes qui sont responsables de la mort de deux soldats israéliens et de l'enlèvement d'un troisième quelques minutes seulement après l'annonce d'un cessez-le-feu» de 72 heures, a déclaré M. Obama vendredi.

«S'ils sont sérieux dans leur volonté d'essayer de trouver une solution à cette situation, ce soldat doit être libéré sans condition, dès que possible», a affirmé le président américain.

Par ailleurs, selon lui, la mise en place d'une nouvelle trêve dans le conflit sera «très difficile (...) si les Israéliens et la communauté internationale ne peuvent pas avoir confiance dans le fait que le Hamas peut tenir ses engagements».

Le secrétaire d'État américain John Kerry, très impliqué ces derniers jours pour pousser les deux parties à parvenir à un cessez-le-feu, a lui aussi condamné cet enlèvement, conscient du traumatisme qu'avait représenté le rapt en juin 2006 du soldat franco-israélien Gilad Shalit. Son enlèvement avait déclenché cinq mois d'opérations militaires à Gaza. Il a finalement été libéré en octobre 2011 en échange d'un millier de prisonniers palestiniens.

Selon un responsable américain, M. Kerry s'est entretenu par téléphone vendredi avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, ainsi qu'avec les ministres des Affaires étrangères de la Turquie et du Qatar, deux pays considérés comme ayant potentiellement le plus d'influence sur le Hamas.

«Notre objectif reste inchangé: aboutir à un cessez-le-feu», a poursuivi ce responsable.

«Nous avons été transparents»

Interrogé sur une éventuelle ambiguïté dans les termes du cessez-le-feu, liée en particulier aux conditions dans lesquelles Israël était autorisé à poursuivre ses opérations «défensives» contre les tunnels creusés par le Hamas, le porte-parole de l'exécutif américain, Josh Earnest, a de son côté catégoriquement écarté cette hypothèse.

«Nous avons été transparents et toutes les parties impliquées ont été transparentes sur le contenu de cet accord. Le Hamas a la responsabilité de respecter l'accord et il ne l'a pas fait», a-t-il affirmé sur CNN.

Selon un responsable du Hamas au Caire, son organisation n'a pas mené d'opération après le début du cessez-le-feu.

La tonalité de la réaction de la Maison-Blanche tranche avec les appels américains, formulés ces derniers jours avec une fermeté croissante, envers l'État hébreu pour qu'il «fasse plus» pour protéger les civils sur le terrain.

Le nombre de Palestiniens tués depuis le début de l'opération israélienne à Gaza le 8 juillet a désormais dépassé celui atteint pendant l'opération «Plomb Durci» en 2009.

Selon le porte-parole des services d'urgence, Achraf al-Qodra, la barre des 1600 Palestiniens tués a été franchie vendredi. Selon l'ONU, les trois quarts des morts sont des civils, dont de nombreux enfants. Plus de 230 000 réfugiés palestiniens s'entassent par ailleurs dans des conditions de précarité extrême dans les 85 centres de l'agence de l'ONU à Gaza.

C'est le bombardement de l'un de ces centres, mercredi, dans le camp de réfugiés de Jabaliya (nord de la bande de Gaza), qui a provoqué la réaction américaine la plus vive.

La Maison-Blanche, qui a pris soin de souligner que la responsabilité israélienne dans ce bombardement meurtrier faisait peu de doute, a jugé «totalement inacceptable et totalement indéfendable» de bombarder un bâtiment de l'ONU «qui accueille des civils innocents qui fuient la violence».

Le cessez-le-feu entré en vigueur à 8h locales (1h HAE) et censé durer 72 heures, n'aura finalement pas tenu deux heures.

«Ce serait une tragédie que cette attaque scandaleuse (du Hamas) entraîne plus de souffrances et de nouvelles pertes en vies humaines des deux côtés», a souligné M. Kerry.

La branche militaire du Hamas dément la capture du sodat israélien

La branche militaire du Hamas a affirmé dans la nuit de vendredi à samedi ne pas disposer d'information sur un soldat israélien porté disparu vendredi près de Rafah dans le sud de la bande de Gaza.

«Les brigades Ezzedine al-Qassam ne disposent pas d'information sur ce soldat. Nous avons perdu contact avec un de nos groupes de combattants, qui se battaient dans le secteur où a disparu le soldat et il est peut-être possible que nos combattants ainsi que ce soldat ont été tués», indique-t-elle dans un communiqué.

Ce communiqué est la première réaction officielle de la branche armée du Hamas depuis la disparition vendredi matin du sous-lieutenant Hadar Goldin (23 ans) dans le secteur de Rafah.

Les Brigades Ezzedine al-Qassam ont également indiqué que les affrontements dans le secteur de Rafah ont eu lieu à 07H00 locales (04H00 gmt), soit une  heure avant l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu humanitaire.

Selon l'armée israélienne, des soldats engagés dans la destruction d'un tunnel du Hamas près de Rafah ont été attaqués par des «terroristes» sortis de terre vers 09H30 (06H30 GMT), alors que la trêve était déjà en vigueur. Un kamikaze s'est fait sauter, a rapporté le porte-parole de l'armée, Peter Lerner. Les premiers éléments «indiquent qu'un soldat a été enlevé» dans l'affrontement, a-t-il ajouté.

Les précautions employées par le porte-parole laissent peu de doute sur la fait que le soldat est porté manquant, même si son sort suscite bien des questions: est-il effectivement prisonnier et de qui, ou déjà mort?

Aucune organisation n'a revendiqué d'enlèvement.



Ce que l'on sait de la probable capture

L'armée israélienne a annoncé vendredi avoir perdu trace du sous-lieutenant Hadar Goldin. Que sait-on de cette probable capture? Des combattants palestiniens ont-ils profité du cessez-le-feu pour l'enlever? Pourquoi une riposte israélienne aussi violente? Ce que l'on sait d'un évènement qui rend plus hypothétique que jamais la fin d'une guerre meurtrière.

Dans quelles circonstances le soldat a-t-il disparu?

La seule version des faits est celle de l'armée israélienne. Selon elle, ses soldats entreprenaient de détruire un tunnel du Hamas, à l'est de Rafah, quand des combattants palestiniens sont ressortis à la surface et ont ouvert le feu. Un kamikaze se serait fait exploser. Deux militaires sont tués, le major Benaya Sarel, 26 ans, et le soldat Liel Gidoni, 20 ans. Le sous-lieutenant Hadar Goldin est porté disparu. «Nous pensons que le soldat a été enlevé par le Hamas aujourd'hui», a dit l'armée.

À quelle heure cela s'est-il passé?

L'enjeu est d'importance, le Hamas comme Israël ayant accepté un cessez-le-feu à partir de 8 h locales (1 h au Québec). Selon l'armée israélienne, l'attaque du groupe de soldats israéliens est survenue à 9 h 30 (2 h 30 au Québec). Si c'était le cas, cela «constituerait une violation grave du cessez-le-feu humanitaire (...) par les combattants palestiniens», a prévenu le coordinateur spécial pour le Moyen-Orient à l'ONU Robert Serry, qui a précisé qu'il disposait de la version israélienne.

Vers 9 h 30, un photographe de l'AFP qui était du côté israélien de la frontière, non loin de Rafah, a vu une énorme explosion, suivie d'un immense panache de fumée après sans doute un tir israélien.

Dans la zone de Rafah, des Palestiniens affirment, sans apporter de preuve, que l'accrochage entre les soldats israéliens et les combattants palestiniens est survenu à 7 h 30 (0 h 30 au Québec), soit avant le début de la trêve.

Sans revendiquer l'attaque et encore moins le rapt du sous-lieutenant Goldin, le N.2 du Hamas Moussa Abou Marzouk a déclaré à l'AFP que «toute opération (du mouvement islamiste) avait été conduite avant le début du cessez-le-feu».

Pourquoi une riposte aussi violente de l'armée israélienne qui a soumis le secteur de Rafah à d'intenses bombardements?

Israël fait du rapt de ses soldats un casus belli. L'enlèvement en juin 2006 du soldat Gilad Shalit, devenu le symbole du devoir sacré d'Israël envers ses militaires, a provoqué cinq mois d'opérations israéliennes vaines dans l'enclave pour le retrouver.

Le tankiste n'a été libéré que cinq ans plus tard, en échange de plus de 1000 prisonniers palestiniens. Et pour récupérer les corps de trois de ses hommes tués par le Hezbollah libanais lors de la guerre de 2006, Israël s'était engagé à libérer plus de 430 détenus, dont 400 Palestiniens et 23 Libanais.

Le sujet est passionnel en Israël, où la famille de Gilad Shalit a mené une campagne médiatique très active et très efficace. Mais des critiques ont été émises sur un «prix excessif», voire une «capitulation» d'Israël.

Le Hamas avait présenté l'enlèvement et l'échange de Gilad Shalit comme «une des plus grandes victoires de la résistance palestinienne».

- Nicolas GAUDICHET