Les efforts diplomatiques au Proche-Orient portent pour l'heure sur le plus urgent: stopper la flambée de violence entre Israël et le Hamas. Mais même si un cessez-le-feu est éventuellement accepté, il risque de voler de nouveau en éclats tôt ou tard en raison du climat de tension qui règne dans la région. Voici trois facteurs qui expliquent ce cycle de violence. Et trois propositions, bien incertaines, pour tenter de le freiner.

TROIS RAISONS DE DÉSESPÉRER

1. Le scepticisme

«Ce conflit n'est pas dans une impasse. C'est pire que ça. Il se détériore et devient de plus en plus difficile à résoudre. On s'enlise toujours plus profondément dans la boue.»

Rex Brynen, un expert du Moyen-Orient à l'Université McGill, admet être actuellement à court d'optimisme. Alors que la troisième éruption de violence en cinq ans secoue le Proche-Orient, M. Brynen voit déjà le scénario se répéter. Un cessez-le-feu finira par être instauré, mais ce ne sera qu'un «pansement» sur une blessure plus grande, dit-il. «Puis, on va attendre l'étincelle qui fera tout exploser à nouveau», laisse-t-il tomber.

Si M. Brynen est si pessimiste, c'est qu'il voit les Israéliens et les Palestiniens eux-mêmes perdre la foi.

«Les deux parties ont cessé de croire, confirme Dennis Ross, analyste et ancien conseiller de Barack Obama sur la question. Et plus vous êtes sceptiques à propos des possibilités de paix, plus vous vous éloignez de cet objectif.»

2. L'échec américain

Avant l'actuelle flambée de violence, le secrétaire d'État américain John Kerry a bien essayé de rapprocher les Israéliens et les Palestiniens. Mais il s'est cassé le nez et, selon Rex Brynen, il n'est pas près de réessayer.

«L'administration Obama ne fera plus rien de majeur pour le conflit israélo-palestinien avant la prochaine élection», prédit l'expert.

3. Le manque de volonté politique

En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou est poussé vers la ligne dure par son propre Parlement et suscite peu d'espoir de la part des observateurs.

«Ce gouvernement n'a pas la volonté ou la possibilité de faire les compromis nécessaires au processus de paix», juge Rex Brynen.

Du côté palestinien, un nouveau gouvernement de réconciliation formé de l'Autorité palestinienne et du Hamas a été mis en place, mais l'escalade actuelle est en train de montrer ses limites.

«Mahmoud Abbas [président de l'Autorité palestinienne] ne semble avoir aucune pertinence dans la bande de Gaza. Il est incapable d'empêcher le Hamas de tirer des roquettes», remarque Rex Brynen.

Quant au Hamas, il a perdu le soutien de l'Égypte et de l'Iran et est fragilisé, mais un sondage mené par le Palestinian Center for Policy and Survey Research en juin montre qu'il jouit encore d'un large soutien de la population. Et il ne semble pas vouloir mettre de l'eau dans son vin.

TROIS PISTES DE SOLUTION

1. Oublier les grands objectifs

Dennis Ross, qui a lui-même aidé à négocier d'importants accords de paix au Proche-Orient, propose une stratégie pour dénouer la crise. D'abord, obtenir un cessez-le-feu le plus rapidement possible. Puis, oublier les grandes questions comme la sécurité, les colonies, les frontières et les réfugiés, pourtant au coeur du conflit, pour se fixer des objectifs plus modestes. «Je crois que le point de départ est de s'attaquer aux causes du scepticisme, explique-t-il. Il faut changer le climat psychologique. Des objectifs qui ne peuvent être atteints ne feront qu'alimenter le cynisme.»

Il propose que chaque partie s'engage à poser des actes de bonne foi, même s'ils apparaissent mineurs.Des exemples? Selon lui, Israël pourrait ouvrir les zones de la Cisjordanie qu'elle contrôle aux projets résidentiels et industriels palestiniens. En retour, les Palestiniens pourraient renoncer à tenter de joindre des organisations internationales ou à poursuivre des dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale.

2. Miser sur le gouvernement de réconciliation

Il s'agit d'un pari, et il a été proposé par l'International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié hier. L'idée est de miser sur le nouveau gouvernement de coalition formé ce printemps par l'Autorité palestinienne et le Hamas, dont la survie est pourtant remise en question actuellement par plusieurs analystes. «Ce gouvernement représente des défis, mais aussi des opportunités», écrivent les auteurs.

ICG propose un plan en plusieurs étapes qui demande notamment à la communauté internationale d'encourager l'Autorité palestinienne à reprendre un rôle à Gaza, notamment en déployant du personnel aux frontières pour faciliter la circulation des biens et des personnes. Pour soulager le Hamas des pressions qui pèsent sur lui, ICG demande par ailleurs à l'ONU ou à un autre donateur de payer les salaires de ses quelque 43 000 employés qu'il ne peut plus payer.

3. Augmenter la pression

Rex Brynen, de McGill, croit quant à lui que la communauté internationale devrait envoyer un signal clair aux parties impliquées sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas dans la région.

«Je crois que la communauté internationale doit sanctionner sévèrement Israël pour ses activités de colonisation», dit-il. Il croit aussi que la communauté internationale devrait signifier clairement aux Palestiniens que des demandes comme le droit de retour des réfugiés sont irréalistes et incompatibles avec un processus de paix.