Les moments de répit se font de plus en plus rares pour les habitants de Gaza. Le début de l'offensive terrestre israélienne a entraîné une recrudescence des frappes aériennes et de l'artillerie, principalement la nuit. Et les tirs se sont poursuivis de jour alors que le Hamas continuait de son côté à cibler le territoire israélien avec ses roquettes.

En attendant que ses deux fils et sa fille sortent de la petite morgue de l'hôpital Kamal Odwan, dans le camp de Jabaliya, Ismael Mohammed Abou Moasallam remerciait Dieu. «Je suis du côté des combattants de la liberté, a dit l'homme de 40 ans, le regard ferme. Je suis prêt à donner mes trois autres enfants pour la Palestine.»

Ses fils Mohammed, 16 ans, Ahmed, 11 ans et sa fille Aala, 14 ans, ont été tués hier en fin d'avant-midi, dans l'appartement familial, à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza. Il y a quelques jours, l'armée israélienne avait invité les habitants à quitter la région. Mais difficile pour bon nombre d'entre eux de partir, autant pour des raisons logistiques - l'espace manque, dans le centre-ville de Gaza - qu'idéologiques, l'abandon d'un domicile étant vu pour plusieurs comme une capitulation. Selon l'UNRWA, il y aurait 40 000 déplacés dans ses locaux. Bien loin des plus de 100 000 personnes que comptent les quartiers à évacuer.

Pendant que les trois civières acheminant les corps couverts d'un drapeau du Hamas étaient transportés dans les rues par une foule d'hommes, de l'hôpital jusqu'à la mosquée puis jusqu'au cimetière, les femmes de la famille étaient réunies dans le salon d'une maison non loin. «Ô, Dieu!», gémissaient-elles. Les pleurs, les hurlements, les incantations montaient du groupe en longues plaintes douloureuses. «Abu Mazen (Mahmood Abbas) est un chien», a crié Mona Madkhoun, la mère des trois enfants. Elle tient le président de l'Autorité palestinienne responsable de la mort de ses enfants, dénonçant sa «collaboration» avec Israël.

Elle a perdu ses deux fils et sa fille alors qu'elle était dans la pièce voisine de la leur. «Mais je remercie Dieu pour tout et je vais les revoir quand je serai avec Dieu, si Dieu le veut», a dit la femme, le visage encadré par un voile violet.

Le quartier de Shejaiyeh, dans la ville de Gaza, a aussi été visé par des raids répétitifs au cours de l'offensive terrestre et dans la journée. Au matin, Wajdi Kemal Moussa Abou Tawila était couché sur un drap trempé de sang à l'hôpital Al-Shifa. Incapable d'entendre ou de parler, c'est sa femme Miassa qui a expliqué ce qui lui était arrivé, au petit matin, alors qu'il se trouvait chez son oncle, qui habite le même quartier. «Quand il y a eu un clash près de notre maison de Shejaiyeh, nous avons commencé à évacuer et nous pensions que nous étions en sécurité à cet endroit, a raconté la femme. Mais un drone a attaqué la maison.» Elle n'en sait pas beaucoup sur l'état de son mari, mis à part les évidences: blessures aux jambes, aux mains, à la tête. Les médecins, débordés, n'avaient pas encore pu lui donner de pronostic.

«Trop de blessés»

Médecins comme ambulanciers travaillent sans relâche dans la bande de Gaza, dans des conditions rendues difficiles par le manque de matériel et les raids. Les ambulanciers du Croissant-Rouge de la Palestine doivent de plus coordonner leurs déplacements avec l'armée israélienne quand ils s'approchent de la frontière.

«Notre plus gros problème, c'est la communication entre nous et Israël pour le transport de blessés, a expliqué Atiya El-Barraoui, qui travaille plus particulièrement dans la ville d'Attara, dans le nord de la bande de Gaza. Chaque fois qu'on reçoit un appel pour une zone plus dangereuse, plus près de la frontière, il faut appeler la Croix-Rouge afin qu'elle appelle l'armée israélienne pour nous donner le feu vert pour nous rendre. On a des gens qui souffrent de blessures au cerveau et ça prend souvent du temps avant d'avoir une réponse.»

Il ajoute que le nombre d'ambulances et d'ambulanciers est insuffisant en ce moment. «Il y a trop de gens [blessés], dit-il. Et avec la coordination pour entrer dans la zone, parfois les gens meurent avant qu'on arrive sur place.»

Des raids ont aussi eu lieu dans le sud, à Rafah et Khan Younis. Plus de 60 Palestiniens ont été tués depuis le début de l'offensive terrestre, jeudi soir. En tout, ce sont plus de 300 Palestiniens qui ont été tués depuis le début des attaques aériennes et terrestres.

Le secrétaire d'État général de l'ONU, Ban Ki-moon, doit par ailleurs se rendre dans la région aujourd'hui pour «montrer sa solidarité avec les Israéliens et les Palestiniens et les aider [...] à mettre fin à la violence», a indiqué le secrétaire général adjoint pour les affaires politiques, Jeffrey Feltman.

- Avec l'Agence France-Presse

La guerre aux tunnels

Anéantir les tunnels: c'est l'un des objectifs d'Israël, qui veut ainsi neutraliser le potentiel de frappe du Hamas. Après une tentative d'incursion en territoire palestinien cette semaine, l'armée israélienne a visé ces passages souterrains dans la nuit de jeudi à vendredi.

L'existence de ces tunnels semble bien connue des habitants de Gaza, comme d'Alaa Siam, fonctionnaire de 32 ans rencontré au marché pendant le cessez-le-feu temporaire de jeudi. «Il y a eu assez de sang versé. Il faut que les Israéliens arrêtent de tuer les enfants. De toute façon, les gens qu'ils cherchent ne sont pas ici, ils sont dans les souterrains», a-t-il déclaré.

Ce père d'un enfant continue tout de même de soutenir les djihadistes qui lancent des roquettes vers Israël. «Puisse Dieu donner la puissance aux combattants de la liberté», a-t-il dit.

L'autre Gaza

À Shejaiyeh, quartier particulièrement visé par l'offensive israélienne, Nofa Awda a affirmé sans détour: «Il y a deux Gaza: l'un au-dessus de la terre, avec les civils, et l'autre sous terre. Les troupes israéliennes ne pourront pas y aller. Les combattants de la liberté utilisent les tunnels, l'armée ne peut pas les viser.»

Avec lui, Rafig Almazi constatait les dégâts matériels causés à son immeuble par une roquette. Quelques minutes avant le tir, il a reçu un appel téléphonique de l'armée israélienne pour l'avertir que son domicile serait frappé.

«Je ne savais pas quoi faire, j'ai commencé à courir, j'ai trébuché, je criais», a raconté l'homme de 62 ans, vêtu d'une longue djellaba.

Contrairement à beaucoup de ses compatriotes, il ne cache pas son soutien aux djihadistes responsables des roquettes envoyées sur Israël.

«Nous sommes avec les combattants de la liberté, a-t-il dit, tout en précisant qu'il n'a aucune arme chez lui. Je suis content d'avoir été frappé, c'est la petite chose que je pouvais faire pour eux. Je devrais donner ma vie pour eux. À mon âge, je ne peux pas, mais avec mon coeur et mon sang, oui.»

Avec l'offensive terrestre, Israël voudrait aussi s'assurer d'un périmètre de sécurité plus large autour de Gaza.