Ces jours-ci à Gaza, le meilleur endroit pour rencontrer des figures de proue du Hamas, c'est l'hôpital Shifa, dans le centre de la ville.

Depuis le début de l'opération Pilier de défense, les représentants du mouvement islamiste se cachent, de crainte d'être ciblés par Israël. Mais dans la cour du plus grand hôpital de la bande de Gaza, ils se sentent en sécurité.

C'est là que Taher al-Nono, porte-parole du gouvernement de Gaza, multipliait les entrevues aux médias, hier, en attendant une délégation de la Ligue arabe venue manifester son soutien à la bande de Gaza.

«Nous avons montré que nous n'avons pas peur d'Israël, nous avons gagné cette guerre», a déclaré avec assurance ce petit homme à la barbe poivre et sel, alors que les rumeurs de trêve entre le Hamas et Israël se faisaient de plus en plus insistantes.

Au moment même où Taher al-Nono énumérait les preuves de la victoire du Hamas dans la confrontation avec Israël, une roquette a fendu le ciel au-dessus de l'hôpital, dans un grondement de tonnerre.

Cette roquette, qui a atterri quelques secondes plus tard près de Jérusalem, a rompu le calme qui régnait dans la bande de Gaza dans l'attente du cessez-le-feu. Ce tir de très longue portée allait forcément entraîner des représailles, s'inquiétaient les Gazaouis. Peu après, l'armée israélienne a lancé des tracts au nord de Gaza, près de la frontière avec Israël, incitant les résidants à quitter leurs maisons.

Des habitants inquiets se sont repliés sur une école de l'UNRWA, l'agence de l'Organisation des Nations unies qui dessert les réfugiés de Gaza. La tension a atteint une intensité que je n'avais pas sentie ici depuis mon arrivée, dimanche. Tous attendaient le pire - une reprise du pilonnage israélien, voire une intervention au sol - tout en espérant le meilleur: un cessez-le-feu. Les roquettes palestiniennes et les déflagrations des derniers pilonnages israéliens n'étaient peut-être qu'un baroud d'honneur, avant la trêve. À la fin de cette journée de montagnes russes, l'horizon restait très incertain.

Légitimité politique

Mais peu importe le dénouement des négociations, tous, à Gaza, s'entendaient pour dire que le Hamas avait déjà gagné cette guerre qui a achevé, hier, sa septième journée. Parce qu'il a fait un étalage d'armes d'une portée sans précédent, capables d'atteindre Tel-Aviv. Parce qu'il a reçu un appui sans précédent du monde arabe en général, et de l'Égypte en particulier. Parce qu'il a renforcé sa popularité parmi la population de Gaza.

«Le Hamas cueille les fruits de ce cycle de violence», dit Mukhamer Abu Saeda, politicologue de l'Université al-Azhar, à Gaza. Selon lui, les nombreuses visites de ministres du monde arabe, sans précédent ici, ont donné une «légitimité politique» au mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza depuis cinq ans.

L'analyste restait convaincu qu'Israël ne peut faire autrement que d'accepter une trêve qui mettra fin aux assassinats de militants palestiniens et allégera progressivement le siège de la bande de Gaza. «C'est ça ou une intervention terrestre, et ça, la population israélienne n'en veut pas.»

Convaincus eux aussi d'avoir remporté la confrontation, des représentants du Hamas ne se gênaient pas pour bomber le torse, hier. «Nous avons montré notre capacité de résister à Israël», se félicitait Taher al-Nono. Il était aussi heureux de constater que depuis la chute du régime Moubarak, en Égypte, «Gaza n'est plus seule».

«Nous avons déployé une nouvelle forme de résistance, pour pouvoir conclure une nouvelle entente», s'est réjoui Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas, croisé lui aussi dans la cour de l'hôpital Shifa.

Message à la planète

En quoi consiste cette nouvelle forme de résistance? «Nous avons de meilleures armes, nous sommes plus unis qu'avant, et notre position est renforcée sur la scène internationale.»

Ce sentiment de fierté était partagé au-delà des cercles islamistes. Le climat a changé dans la bande de Gaza, affirme la députée indépendante Rawya Shawa. «C'est la première fois que nous sentons que nous sommes capables de répondre à Israël, et les changements politiques dans la région jouent en notre faveur.»

Il y a un an, Hani Siliman manifestait contre le Hamas dans les rues de Gaza, avec d'autres jeunes inspirés comme lui par les révolutions arabes. Ce pharmacien de 30 ans, opposé à la violence, se réjouit d'être témoin de ce qu'il appelle «l'âge d'or de la résistance» palestinienne à Gaza. «Même s'ils finissent par nous tuer, nous avons atteint Tel-Aviv!»

À ses yeux, les roquettes de longue portée qui ont consterné les Israéliens sont un message à la planète: «Nous ne sommes plus isolés comme avant et nous avons de meilleures armes.»

Soit, le Hamas pourrait sortir renforcé par cette bataille. Mais les habitants de Gaza, eux? «C'est moins clair», répond Mukhamer Abu Saeda. Avec plus de 100 morts, un millier de blessés et des tas de bâtiments détruits, ils paient un prix élevé pour cette confrontation. Au moment d'écrire ces lignes, les déflagrations s'intensifiaient au-dessus de Gaza. Ses habitants n'avaient pas fini de payer le prix de cette guerre.