Zakaria Zubeïdi est le Che Guevara palestinien. À Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, il est une légende. En Israël, l'ancien leader des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa à Jénine, bras armé du Fatah, est considéré comme un terroriste. Il y a un peu plus d'un an, il était la personne la plus recherchée par l'État hébreu dans les territoires palestiniens. Son armée a tenté à maintes reprises de l'assassiner, sans succès. En juillet 2007, il accepte de déposer les armes en échange d'une amnistie.

La Presse a rencontré l'ancien chef de guerre autour d'un repas de falafels et de shawarmas. L'homme de 32 ans a le visage moucheté par des éclats d'une bombe artisanale, qui a explosé au mauvais moment. Le père de deux enfants sourit, enchaîne les cigarettes et croit que la culture est l'élément qui libérera sa patrie, la Palestine.

 

Q: Après toutes ces années de résistance avec les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, pourquoi avez-vous accepté de rendre les armes?

R: Pour deux raisons. Le conflit interne entre les Palestiniens, particulièrement ce qui se passe à Gaza, a divisé mon pays. Les Israéliens sont unis contre le peuple palestinien. De notre côté, nous n'arrivons pas à être une seule et unique main qui frappe l'État hébreu. J'étais tellement déprimé du conflit inter-palestinien entre le Fatah et le Hamas que lorsqu'on m'a proposé de me retirer contre une amnistie, j'ai tout de suite accepté. Aussi, la résistance ne fait plus partie du programme du Fatah. Comme combattant, si je n'ai plus de support politique, il n'y a plus de raison de prendre les armes. Lorsque je voyais des Jeeps israéliennes venir dans le camp de réfugiés de Jénine et que je n'avais pas le pouvoir de les attaquer ou de les renvoyer chez eux, je sentais que j'avais échoué.

Q:Croyez-vous qu'Israël a cessé de vous traquer ?

R: Absolument pas. Je sais qu'on me surveille toujours. Dans ma tête, je suis déjà mort. Ce n'est qu'une question de temps avant que l'onm'assassine. Les Israéliens ne me laisseront pas mourir de ma belle mort. Il y a toutes sortes de façons d'assassiner un homme sans le revendiquer.

Q: Quels autres moyens pouvez-vous maintenant utiliser pour lutter contre l'occupation?

R: Avant que je m'engage à nouveau dans la lutte contre Israël, je dois travailler à régler la division qui règne au sein même de la Palestine. Par exemple, la façon la plus simple de résister est de garder le silence, comme l'a fait Gandhi. Si tous les Palestiniens s'entendaient sur cette façon de faire, je suis sûr que les résultats seraient impressionnants.

Q: Pensez-vous faire le saut en politique?

R: Je vais probablement me présenter aux prochaines élections présidentielles en Palestine. Je crois que la classe politique qui existe en ce moment n'a pas d'agenda palestinien. Je travaille présentement sur un programme communautaire, qui unira toute la nation. Si un candidat du Fatah adopte mon programme politique, peut-être que je ne me présenterai pas aux élections.

Q: Vous êtes l'un des fondateurs du Théâtre de la liberté dans le camp de réfugiés de Jénine. Comment la culture peut-elle avoir un rôle dans la résistance?

R: Nous avons besoin du théâtre pour éduquer les jeunes du camp. La culture est indispensable pour n'importe quel combattant. Sans elle, il n'est rien. Avant la deuxième Intifada, il y avait un théâtre dans la maison de ma mère. Il a été détruit. Ce fut une perte énorme pour le peuple palestinien. C'était mon rêve d'en bâtir un nouveau. Je l'ai réalisé il y a deux ans.

Q: Est-ce que la culture est suffisante pour résister à l'occupation?

R: Le combat armé est important. J'avais de bonnes raisons de me battre: la colonisation en Cisjordanie, les invasions quotidiennes de l'armée israélienne, le mur... En 2002, lors de la grande invasion du camp de réfugiés de Jénine, ma mère a été assassinée par l'armée israélienne. C'est à ce moment que j'ai décidé de monter dans les rangs de la résistance. Je ne voulais plus seulement défendre mon peuple, mais bien attaquer Israël. Quelques jours plus tard, ce fut au tour de mon frère de devenir un martyr.

Q: Croyez-vous que la population palestinienne croit toujours aux promesses de fondation d'un État palestinien?

R: C'est impossible de parler de paix avec l'occupation. Seul un homme libre peut être en paix.