L'accord sur le nucléaire iranien, conclu mardi, favorisera-t-il la normalisation des relations diplomatiques entre le Canada et l'Iran, inexistantes depuis 2012? Tandis que le Parti conservateur continue d'adopter la ligne dure, le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique se réjouissent des progrès effectués et ouvrent la porte à une reprise du dialogue. État des lieux.

Quel est l'état actuel des relations diplomatiques entre le Canada et l'Iran ?

Comme beaucoup de pays occidentaux, le Canada a des relations tendues avec l'Iran depuis la révolution islamique de 1979. La position canadienne est encore plus hostile depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs en 2006. Les relations entre les deux pays ont atteint leur plus bas niveau en 2012 lorsqu'Ottawa a fermé son ambassade à Téhéran, expulsé les diplomates iraniens du Canada et déclaré l'Iran comme un État soutenant le terrorisme. Cette politique d'hostilité s'est aussi traduite par des sanctions économiques. Techniquement, il n'y a donc actuellement aucune relation entre les deux pays.

Que dit le gouvernement Harper des accords sur le nucléaire iranien ? A-t-il ouvert la porte à une reprise du dialogue ?

Pour l'instant, ça regarde mal. Si la plupart des pays occidentaux se sont félicités - avec prudence - de cette victoire diplomatique, les conservateurs ont choisi de maintenir la ligne dure. Dans un très court communiqué diffusé mardi, le ministre des Affaires étrangères Rob Nicholson a déclaré que son parti jugerait Téhéran « sur ses actes et non d'après ses paroles », ajoutant que l'Iran restait une « des plus importantes menaces à la paix et à la sécurité » dans le monde. « Nous examinerons cette entente plus en profondeur avant de déterminer les gestes que posera le Canada », a précisé le ministre Nicholson.

Peut-on s'attendre à plus d'ouverture de la part du PLC ou du NPD, si l'un des deux partis remporte les prochaines élections fédérales ?

Sans doute. En entrevue à la CBC il y a trois semaines, Justin Trudeau s'est officiellement engagé à rétablir les relations diplomatiques avec l'Iran, disant même « souhaiter la réouverture » de l'ambassade du Canada à Téhéran. Porte-parole libéral pour les affaires étrangères, Marc Garneau a pour sa part affirmé hier qu'il « accueillait favorablement cet accord important ». Son homologue au NPD, Paul Dewar, a vanté pour sa part les mérites de la diplomatie, souhaitant que le Canada travaille avec ses alliés pour « encourager l'adoption d'autres réformes ».

Selon Thomas Juneau, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, la normalisation des relations ne se ferait toutefois pas du jour au lendemain. « Il y aurait plusieurs obstacles légaux à franchir, à cause du fait que le Canada a officiellement déclaré l'Iran comme un État soutenant le terrorisme. Il faut aussi être réaliste. Si un de ces partis prend le pouvoir, surtout s'il est minoritaire, il aura une très longue liste de priorités. Je ne m'attends pas à ce que les relations avec l'Iran soient au sommet de cette liste-là. »

Advenant la réélection des conservateurs, peut-on penser que le gouvernement Harper finira par adopter un ton plus conciliant ?

Il est probable que le gouvernement Harper maintiendra la ligne dure « le plus longtemps possible », estime Thomas Juneau. Mais le Canada, dit-il, ne pourra pas indéfiniment s'opposer à la politique des États-Unis. Il y a donc la possibilité d'un engagement « limité, prudent et graduel ».

Il y a aussi le facteur commercial, ajoute M. Juneau. « L'économie iranienne est en difficulté sérieuse, mais c'est quand même un pays de 80 millions d'habitants, très riche en ressources naturelles, en capital humain. Donc, il y a là un réel intérêt commercial pour le Canada. » Des entreprises comme Bombardier et SNC-Lavalin, dit-il, auraient déjà exprimé « en termes indirects » leur désir de s'implanter en Iran. Il y a là-bas « un certain potentiel » que les conservateurs ne pourront pas ignorer, à plus ou moins long terme.