Les députés iraniens ont limité dimanche le contrôle du Parlement sur un éventuel accord nucléaire avec les grandes puissances en reconnaissant le rôle prépondérant d'une instance directement dépendante du guide suprême.

Ce vote, qui réduit les risques de voir les députés voter contre un accord final, intervient à la veille du déplacement du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, à Luxembourg. Il doit y rencontrer ses homologues français, britannique et allemand pour tenter d'avancer dans la rédaction d'un accord final sur le nucléaire iranien, d'ici la date butoir du 30 juin.

Les experts des deux parties sont réunis depuis début juin à Vienne, régulièrement épaulés par les directeurs politiques de chaque diplomatie.

L'accord doit garantir le caractère strictement pacifique du programme nucléaire de Téhéran, en échange d'une levée complète des sanctions internationales pesant sur l'Iran.

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, est l'ultime décisionnaire dans le dossier et exprime régulièrement sa méfiance sur la sincérité des puissances occidentales à conclure un accord final. Ses exigences, et celles des pays du groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), rendent difficile la rédaction du texte d'un accord-cadre conclu le 2 avril à Lausanne.

Le projet de loi original, déposé mercredi, répondait à celui adopté par le Congrès américain en mai et aurait pu ajouter un obstacle aux négociations alors que certains ultra-radicaux dénoncent des concessions accordées aux Occidentaux.

Dimanche, les députés iraniens ont approuvé à une large majorité un texte modifié, selon lequel «les décisions du Conseil suprême de sécurité nationale (CSSN) doivent être respectées» concernant des points essentiels de l'accord. Il donne ainsi une voix prépondérante à cette instance chargée de décider des grandes questions politiques et de sécurité du pays et placée sous l'autorité directe du Guide.

Présidé par le président de la République, Hassan Rohani, le CSSN réunit certains hauts responsables politiques et militaires membres de droit et d'autres, nommés par l'Ayatollah Khamenei.

L'accord final devra toujours être ratifié par le Parlement, mais il semble improbable que les députés aillent à l'encontre d'un texte approuvé par le guide suprême et le CSSN.

Pas une «vente de patates»

Selon ses auteurs, le texte était destiné à «protéger les intérêts nationaux» mais le président du Parlement, Ali Larijani, qui dirige la faction conservatrice modérée majoritaire dans l'hémicycle, a usé de tout son pouvoir pour réduire sa portée.

Le CSSN «est sous le contrôle du guide suprême et nous ne devons pas lier les mains du guide. Nous devons obéir à toute décision prise par le guide suprême», a-t-il déclaré.

«Nous voulons aider le pays et non créer de nouveaux problèmes», a-t-il affirmé à un député radical qui critiquait les changements introduits.

«Nous ne discutons pas de la vente de patates mais d'une question importante pour le pays», a-t-il lancé, selon l'agence officielle Irna.

«Ce texte a réduit le rôle de contrôle du Parlement», a regretté le député conservateur Mohammad-Hassan Asafari, cité par l'agence Nasim.

«Dans la situation actuelle, pour faire avancer notre pays et résoudre les problèmes, nous avons besoin de plus de confiance mutuelle», a plus tard commenté le président Rohani, cité par Irna.

Le texte, de trois articles, a été approuvé par 199 députés sur 290 (3 contre, 5 abstentions). Les députés doivent voter mardi le projet de loi article par article.

La nouvelle mouture du texte affirme notamment que l'annulation complète des sanctions doit intervenir «le jour du début de l'application des engagements de l'Iran». L'original mentionnait seulement le terme ambigu de «premier jour de l'accord».

Le texte interdit toujours à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) «l'accès à tous les documents scientifiques, sites militaires ou de sécurité et les sites non nucléaires sensibles», mais laisse une latitude en ajoutant que «les décisions du CSSN doivent être respectées».

La question des inspections des sites nucléaires iraniens, notamment militaires, est l'un des points les plus délicats des négociations.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a estimé dimanche en Israël que «si un accord doit intervenir (avec l'Iran NDLR), cet accord doit être robuste, cela veut dire qu'il doit pouvoir être vérifié».