Les tentatives de «marchandage» des grandes puissances pourraient mettre en danger la conclusion d'un accord nucléaire historique avec l'Iran le 30 juin alors que de nombreux détails restent encore à régler, a mis en garde samedi le président iranien Hassan Rohani.

M. Rohani, qui a misé sa crédibilité sur la fin d'une décennie de crise diplomatique avec l'Occident, a toutefois admis que les sanctions internationales ne seraient pas immédiatement levées après la conclusion de l'accord.

Lors d'une conférence de presse marquant le deuxième anniversaire de son élection, M. Rohani a accusé les grandes puissances du groupe 5+1 d'avoir à chaque réunion des exigences supplémentaires.

«Ils commencent à marchander, ce qui retarde les négociations, a-t-il expliqué. Si l'autre partie respecte le cadre convenu et ne présente pas d'autres exigences, les différences peuvent être réglées, mais s'ils choisissent la route du marchandage, cela peut prolonger les négociations».

L'Iran et les pays du groupe 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France et l'Allemagne) s'étaient mis d'accord sur le cadre général d'un texte le 2 avril à Lausanne, en ayant dépassé de quelques jours le délai imparti.

La délégation iranienne et celles du 5+1 sont actuellement réunies à Vienne pour tenter de faire progresser les négociations afin d'aboutir à un accord final dans un peu plus de deux semaines.

Mais le chef des négociateurs russes Serguei Riabkov s'est inquiété vendredi que les discussions, relancées depuis 21 mois, étaient «en train de ralentir» alors qu'il «reste très peu de temps».

La dernière ligne droite est «difficile», avait auparavant admis un responsable du département d'État américain.

M. Rohani a confirmé samedi qu'il restait «beaucoup de divergences dans les détails» de cet accord qui doit garantir le caractère strictement pacifique du programme nucléaire de Téhéran, en échange d'une levée des sanctions qui affectent l'économie iranienne.

La question des inspections internationales des sites nucléaires iraniens, notamment militaires, est l'un des points les plus délicats des négociations.

«Si on veut être sûr que l'accord est solide, il faut qu'on puisse vérifier les sites (...) On n'a pas encore cette certitude. C'est un des points sur lesquels nous discutons», avait souligné jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

«L'Iran ne permettra pas que ses secrets soient dévoilés», a dit samedi le président Rohani, affirmant néanmoins qu'il pourrait y avoir «un certain accès» sans cependant préciser à quels sites.

«Nous avons des secrets en technologie. Nos secrets seront protégés», a-t-il ajouté.

«Plusieurs mois» pour lever les sanctions

Soupçonné par les grandes puissances de chercher à se doter de l'arme atomique, l'Iran a toujours réfuté ces allégations, et insiste sur son droit à exploiter une filière nucléaire civile complète.

L'une des difficultés porte sur le calendrier de la levée des sanctions internationales, alors que de nombreux responsables iraniens veulent voir leur fin immédiatement après un accord.

Le président iranien a admis que «plusieurs semaines ou plusieurs mois s'écouleront» entre la signature de l'accord et son application.

Selon lui, une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU annulant des résolutions précédentes sur ce dossier «sera le premier pas et une garantie pour l'application de l'accord».

«Ensuite, cela prendra plusieurs mois pour appliquer tous les engagements», a-t-il ajouté, en allusion aux sanctions unilatérales de l'Union européenne et des États-Unis mises en place en 2012, qui visaient les secteurs pétrolier et financier de l'Iran.

M. Rohani a affirmé que les négociations étaient «jusqu'ici une grande victoire pour la nation iranienne». Les grandes puissances ont reconnu le droit de l'Iran à posséder un programme d'enrichissement d'uranium et les sites actuels d'enrichissement de Natanz et Fordo resteront ouverts, a-t-il expliqué. Le texte de l'accord prévoit toutefois la conversion de Fordo en un site de recherche et développement.

Mais le président iranien doit faire face aux critiques de l'aile dure du régime, qui dénonce les concessions trop importantes faites aux Occidentaux. Le Parlement contrôlé par les conservateurs tente également de légiférer afin d'obliger le gouvernement à faire ratifier l'accord final par les députés.

Hassan Rohani a écarté les risques d'échec dus à une opposition interne. «Je suis très optimiste, car nous avons déjà appliqué l'accord intermédiaire de Genève», signé en novembre 2013 et qui levait certaines sanctions, malgré «des opposants qui voulaient l'empêcher», a-t-il dit.

«Certains peuvent être inquiets», a-t-il dit, une référence à certains conservateurs qui se font appeler «les Inquiets». Mais, a-t-il souligné, «si cet accord est conclu, tous les gouvernements signataires se seront engagés à l'appliquer, surtout lorsque le Conseil de sécurité l'approuvera».