Le Sénat américain à majorité républicaine a voté jeudi à une quasi-unanimité pour obliger Barack Obama à soumettre tout accord nucléaire avec l'Iran au Congrès cet été, affirmant le rôle de supervision des parlementaires malgré la réticence de l'exécutif.

«Cette loi permettra au Congrès, au nom des Américains, de déterminer si un accord final est vérifiable et contrôlable, avant que le président ne puisse suspendre des sanctions parlementaires contre l'Iran», s'est félicité le sénateur républicain Bob Corker, président de la commission des Affaires étrangères.

Le vote final témoigne d'un extraordinaire consensus autour de la loi dite Corker-Menendez, à l'issue d'un marathon politique de plusieurs mois, perdu par la Maison-Blanche: 98 voix contre une, celle du républicain Tom Cotton. Tous les démocrates ont voté pour.

La Chambre des représentants examinera le texte la semaine prochaine, et les chefs républicains sont favorables au texte.

«Notre but est de pouvoir stopper un mauvais accord qui pourrait permettre à l'Iran d'acquérir des armes nucléaires», a déclaré le président de la Chambre, John Boehner.

Un porte-parole de la Maison-Blanche, Eric Schultz, a indiqué que Barack Obama promulguerait la mesure «dans sa forme actuelle», c'est-à-dire si elle n'était pas amendée à la Chambre.

Barack Obama s'opposait initialement à ce que le Congrès ait son mot à dire sur l'accord définitif qui doit être paraphé d'ici le 30 juin entre Téhéran et le groupe de pays 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne). Les négociations reprendront le 12 mai à Vienne.

Mais après l'annonce de l'accord-cadre le 2 avril en Suisse, les parlementaires américains ont repris l'assaut et les alliés démocrates de Barack Obama se sont peu à peu ralliés à la mesure législative.

Vaincue, la Maison-Blanche a annoncé qu'elle soutenait la mesure. Elle «ne fera pas dérailler les négociations», a estimé Barack Obama le 17 avril, en levant sa menace de veto.

Pas de ratification requise

La loi Corker-Menendez, du nom de Bob Corker et du sénateur démocrate Robert Menendez, ne se prononce pas sur le fond du dossier nucléaire: elle mettrait en place un mécanisme pour que le Congrès, en cas d'accord final fin juin, ait le temps d'en bloquer l'application si les élus le jugeaient mauvais.

Barack Obama serait obligé d'attendre que les élus examinent les détails de l'accord et organisent des auditions. Pendant 30 jours, aucune sanction adoptée ces dernières années par le Congrès ne pourrait être levée par l'exécutif.

Le Congrès aurait trois options: voter une résolution approuvant la levée de sanctions parlementaires, voter une résolution bloquant la levée des sanctions, ou ne rien faire.

En cas de résolution de désaccord, Barack Obama aurait 12 jours pour opposer son veto, un veto que le Congrès aurait ensuite 10 jours pour surmonter par un nouveau vote à la majorité des deux tiers.

«La suspension des sanctions n'est pas acquise et n'est pas un prix en échange d'une signature en bas de la page», a prévenu Robert Menendez.

Les républicains ont pour l'instant abandonné le projet de voter de nouvelles sanctions contre Téhéran, ne disposant pas d'une majorité suffisante pour surmonter un veto présidentiel.

Ils ont également échoué à imposer des conditions jugées impossibles: que l'Iran reconnaisse Israël, ou que le président Obama certifie que Téhéran ne soutient pas le «terrorisme».

Mais ils considèrent que le président américain a fait trop de concessions à l'Iran, par exemple en autorisant le régime à maintenir des centrifugeuses et une infrastructure d'enrichissement.

«Au lieu de mettre fin au programme nucléaire iranien, l'accord intérimaire donnerait un sceau d'approbation à l'Iran pour le poursuivre», a dit Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine du Sénat.

Barack Obama a longtemps affirmé que l'immixtion parlementaire dans les négociations risquait de saper son autorité et de créer un précédent pour les futurs présidents engagés dans des négociations internationales. La Maison-Blanche a fait le siège du Congrès pour empêcher que celui-ci ne se donne les pouvoirs d'invalider un éventuel accord nucléaire.

Au final, le Congrès n'aura pas de pouvoir de «ratification» comme pour un traité. Si le mécanisme de droit de regard était adopté, comme c'est probable, il faudra que deux tiers des parlementaires américains se rebellent pour faire capoter l'accord des 5+1 avec Téhéran, un seuil très élevé.

Jeudi également, 151 membres de la Chambre des Représentants ont adressé au président Obama une lettre dans laquelle ils louent ses efforts pour négocier avec l'Iran un accord sur son programme nucléaire, tout en réaffirmant leur opposition à l'obtention de l'arme atomique par la République islamique.

«Nous ne devons pas laisser l'Iran développer ou posséder une arme nucléaire, et je pense fermement que la diplomatie est le meilleur moyen d'atteindre cet objectif», a déclaré dans un communiqué Jan Schakowsky, représentante démocratique de l'Illinois.