Les négociations internationales sur le nucléaire iranien sont dans «les derniers mètres», a estimé jeudi le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, revenu à Lausanne rejoindre ses pairs des grandes puissances et de l'Iran, au huitième jour d'un marathon diplomatique harassant.

«On est à quelques mètres de l'arrivée, quelques dizaines de mètres mais on sait aussi que ce sont toujours les plus difficiles», a déclaré un Laurent Fabius inhabituellement confiant à son arrivée à Lausanne, peu avant minuit.

«L'enjeu est très important car il s'agit de la lutte contre la prolifération nucléaire et d'une certaine manière de la réintégration de l'Iran dans la communauté internationale», a déclaré le ministre, tout en précisant qu'il y avait «encore des progrès à faire, en particulier du côté iranien».

«Nous continuons à faire des progrès mais nous n'avons pas encore atteint un compromis politique», avait indiqué plus tôt dans la soirée la porte-parole du Département d'État, précisant que le secrétaire d'État américain John Kerry resterait sur place «au moins jusqu'à jeudi matin».

L'Iran et les grandes puissances (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Chine, Russie et Allemagne) tentent de parvenir à un projet d'accord fondamental sur le nucléaire, avant la conclusion d'un texte final d'ici au 30 juin.

La communauté internationale veut brider le programme nucléaire iranien et le contrôler étroitement pour s'assurer que Téhéran ne se dotera jamais de la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui étranglent son économie.

En début de soirée, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif avait exhorté les grandes puissances à «saisir le moment et l'opportunité (d'un accord) qui ne se répètera peut-être pas».

Points d'achoppement

Après un an et demi de tractations acharnées, de Genève à Lausanne en passant par Vienne et New York, les discussions butent toujours sur les mêmes problèmes, selon des diplomates occidentaux et iraniens.

Ces deux points sont: les sanctions et la recherche et le développement permettant à l'Iran de développer des centrifugeuses plus performantes.

Les centrifugeuses permettent d'enrichir l'uranium et cette question est au coeur du problème. Enrichi à 90%, l'uranium est destiné à la fabrication d'une bombe atomique, et la communauté internationale soupçonne Téhéran de vouloir acquérir cette arme, ce que l'Iran a toujours démenti.

L'autre difficulté concerne les sanctions, américaines, européennes et surtout onusiennes, dont Téhéran réclame la levée rapide dès la conclusion d'un accord.

«Ils veulent savoir précisément comment elles seront suspendues, abrogées, dans quel ordre, lesquelles...», a expliqué un diplomate du P5 +1, le groupe des grandes puissances.

La levée -progressive ou immédiate- des sanctions, la façon de les réimposer en cas de violations de ses engagements par l'Iran sont également discutées au sein du P5 +1, où Russes et Chinois, traditionnellement hostiles aux sanctions, sont plus disposés à les alléger rapidement que d'autres (États-Unis, France).

Cacophonie

Dans la nuit de mardi à mercredi, alors qu'expirait la date butoir théorique pour un accord,  une certaine cacophonie entre membres du P5+1 avait éclaté  après la suspension d'une énième plénière entre grandes puissances et Iran. Chaque délégation était allée de son commentaire, les uns très optimistes évoquant un accord en vue, d'autres démentant et faisant état de blocages persistants.

M. Zarif ne s'est d'ailleurs pas privé de relever mercredi que l'Iran discutait «en même temps avec six pays qui ont des intérêts différents, des positions différentes, des relations différentes avec la République islamique, et parfois des différences de vue» entre eux.

À Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel s'est voulue optimiste. «Je crois qu'une grande partie du chemin a été faite», a-t-elle dit.

Même tonalité à la Maison-Blanche : «Nous avons le sentiment que les discussions continuent à être productives» a déclaré Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain, précisant que le président Barack Obama avait été informé de l'avancée des négociations mercredi matin.

Mais l'incertitude sur l'issue des pourparlers a poussé le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, virulent opposant à tout compromis avec l'Iran, à dénoncer la possibilité d'«un mauvais accord qui mettrait en danger Israël, le Moyen-Orient et la paix dans le monde».