Remplissant tous les critères du feuilleton à suspense, les négociations internationales sur le nucléaire iranien sont entrées mardi dans les dernières heures fixées pour obtenir un premier accord, sans aucune certitude sur l'issue d'un an et demi d'un marathon diplomatique inédit.

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Les grandes puissances (États-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) et l'Iran sont censées parvenir ce jour à un premier compromis fondamental sur un dossier inextricable, qui empoisonne les relations internationales depuis 12 ans.

L'objectif est de s'assurer que l'Iran ne cherchera pas à se doter de la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui étranglent son économie.

Si le 31 mars n'est pas la date de la dernière chance, elle est en revanche une étape fondamentale pour parvenir à poursuivre les discussions et arriver à un accord historique complet, avec tous les détails techniques finalisés, d'ici le 30 juin.

Les chefs de la diplomatie des grandes puissances - à l'exception du Russe Sergueï Lavrov qui devrait revenir à Lausanne dans la journée - se retrouvent de nouveau mardi matin dans le palace surplombant le lac Léman, transformé en enceinte internationale depuis une semaine. Ils auront ensuite une session avec leur homologue iranien Mohammad Javad Zarif.

«Il est vraiment temps maintenant de prendre des décisions» pour parvenir à une entente, a exhorté lundi soir la porte-parole du Département d'État américain Marie Harf, estimant à «50/50» les chances d'un accord, tandis qu'un diplomate occidental tranchait: «il est maintenant temps de dire oui ou de dire non».

«La volonté qui existe, la présence des ministres qui sont restés, le sérieux dont chacun fait preuve est le signe que tout le monde veut trouver des solutions», a estimé de son côté un négociateur iranien, estimant que «tout le monde est concentré pour trouver les solutions d'ici (mardi) soir».

Marathon des experts

Jusque tard dans la nuit, les experts des différentes délégations ont enchaîné les réunions pour tenter de venir à bout des derniers obstacles.

Il s'agit en premier lieu de la durée de l'accord. Les grandes puissances souhaitent un cadre strict de contrôle des activités nucléaires iraniennes, particulièrement dans le domaine de la recherche et du développement, sur au moins 15 ans, mais l'Iran ne veut pas s'engager au-delà de 10 ans.

«Nous devons nous assurer que ce qui ce passe après les dix premières années est vérifiable et transparent», a expliqué le chef de la diplomatie allemande Frank-Walter Steinmeier, jugeant que l'Iran avait des exigences «très ambitieuses».

La question de la levée des sanctions de l'ONU est aussi, depuis le début, un gros point de blocage. Les Iraniens voudraient voir tomber dès la conclusion d'un accord ces sanctions économiques et diplomatiques, jugées humiliantes. Or les grandes puissances veulent une levée graduelle de ces mesures liées à la prolifération nucléaire et prises depuis 2006 par le Conseil de sécurité de l'ONU.

En cas de levée de certaines de ces sanctions, quelques pays du groupe 5+1 veulent en outre un mécanisme permettant de les réimposer rapidement au cas où l'Iran violerait ses engagements, selon un diplomate occidental.

Après le 31 mars?

Un échec d'ici mardi minuit ne signifierait pas automatiquement la rupture et la fin de toutes les négociations, soulignent les protagonistes de part et d'autre.

Mais tous s'accordent à dire que la situation serait beaucoup plus compliquée et difficile, en raison notamment des contraintes internes aux États-Unis et en Iran, où les opposants à un accord seront confortés en cas d'échec des discussions de Lausanne.

«Nous avons dit que le 31 est une date butoir. Cela doit vouloir dire quelque chose. Les décisions ne seront pas plus simples après le 31. Si nous ne parvenons à une entente, nous devrons regarder le chemin devant nous, voir où nous en sommes. Et nous prendrons les décisions ensuite», a déclaré lundi la porte-parole du Département d'État Marie Harf.