Les grandes puissances ont réaffirmé samedi à Londres leur unité sur le dossier nucléaire iranien après une semaine de tractations à Lausanne avec Téhéran qui, malgré des avancées, n'ont pas abouti à un accord.

«Nous allons continuer à travailler ensemble dans l'unité pour obtenir un résultat couronné de succès», a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond, lisant un communiqué au nom de ses homologues américain, français, allemand et de l'Union européenne.

Leur réunion, dans un salon de l'aéroport de Heathrow où le chef de la diplomatie américaine John Kerry a fait escale avant de reprendre l'avion pour les États-Unis, avait pour but d'évoquer la suite des négociations visant à aboutir à un accord politique avant la date butoir fixée au 31 mars. Et ce alors que des tensions sont apparemment apparues entre Washington et la France.

MM. Hammond et Kerry, l'Allemand Frank Walter Steinmeier, le Français Laurent Fabius et la chef de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini ont également réaffirmé que des progrès importants avaient été accomplis au cours des négociations du 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne) avec l'Iran à Lausanne.

«Nous sommes d'accord que des progrès substantiels ont été accomplis sur des points clés, mais il y a des questions importantes sur lesquelles un accord n'a pas encore été possible», a déclaré M. Hammond. Avant de pousser la balle dans le camp de Téhéran en affirmant, toujours au nom des grandes puissances qu'«il est maintenant temps, pour l'Iran en particulier, de prendre des décisions difficiles».

M. Kerry avait déjà admis dans la matinée que «des divergences importantes demeurent». D'où, selon les observateurs, cette escale à Londres, avant la reprise des négociations à Lausanne à partir de mercredi.

«Nous ne voulons pas n'importe quel accord (...) Nous ne nous précipitons pas», avait-il aussi expliqué alors que des diplomates européens ont exprimé ces dernières semaines leur réticence face à la volonté prêtée aux États-Unis de conclure au plus vite un accord.

Fabius: il faut un accord «robuste»

Un accord politique de principe avant le 31 mars garantirait que l'Iran n'ait jamais la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions. Le 5+1 et l'Iran se sont ensuite donné jusqu'au 30 juin-1er juillet pour finaliser tous les détails techniques d'un texte complet.

Un diplomate européen à Lausanne a jugé dès jeudi que «la date limite» était «au 30 juin», pas au 31 mars. Et dans un tweet en anglais vendredi, l'ambassadeur de France à Washington Gérard Araud a asséné : «Faire de la fin mars une date limite absolue est contreproductif et dangereux. On a besoin de tout notre temps pour boucler un accord complexe».

Le quotidien britannique The Guardian soulignait samedi que «la divergence la plus nette réside entre les États-Unis, qui ont proposé une levée progressive des sanctions de l'ONU (...), et la France, qui ne souhaite offrir qu'un assouplissement symbolique des mesures punitives imposées sur la dernière décennie».

«Les Américains sont prêts à lâcher un accord très loin des objectifs initialement fixés», a estimé une source proche des négociations, soulignant que dans le même temps les Américains avaient besoin de la France pour rendre l'accord «plus acceptable aux yeux de ceux qui n'en veulent pas».

Il faut un accord «robuste», a déclaré samedi M. Fabius, à l'issue d'un conseil franco-italien de sécurité et de défense à Caen (nord-ouest de la France), soulignant que s'il «n'est pas suffisamment sérieux, les pays voisins tels que la Turquie ou l'Arabie saoudite pourraient s'inquiéter et eux-mêmes se doter de l'arme nucléaire».

Les gouvernements américain et français se gardent bien de se critiquer ouvertement ces derniers mois, les deux alliés vantant leur unité de vue sur ce dossier qui empoisonne la communauté internationale depuis plus de 12 ans.

Reste que le sujet a fait l'objet d'un appel téléphonique vendredi soir entre le président François Hollande et son homologue américain Barack Obama.

Du côté de Téhéran, le président iranien Hassan Rohani a affirmé samedi qu'il n'existait «rien qui ne puisse être résolu» et qu'un accord était «possible». «Dans cette série de négociations (à Lausanne), il y avait des différences sur certaines questions (mais) des points de vue communs ont émergé qui peuvent être la base d'un accord final», a-t-il affirmé.

De son côté, le guide suprême iranien a écarté samedi toute coopération avec les États-Unis sur les conflits régionaux, en cas d'accord sur le nucléaire.

La victoire de Netanyahu n'affectera pas les discussions sur le nucléaire iranien

Les élections israéliennes, dont est sorti vainqueur le premier ministre Benjamin Netanyahu, n'auront pas d'«impact significatif» sur les négociations autour du nucléaire iranien, a estimé vendredi le président américain Barack Obama.

«Je ne pense pas que cela aura un impact significatif», a déclaré M. Obama dans une interview au journal en ligne The Huffington Post.

L'Iran et six puissances (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne) négocient pour tenter de sceller un accord sur le programme nucléaire controversé de Téhéran.

Dans l'entretien, Barack Obama affiche un optimisme prudent sur l'avancée des négociations, sans éluder l'âpreté des relations entre l'Iran et Israël.

«Il est évident que beaucoup d'Israéliens se méfient de l'Iran. C'est compréhensible. L'Iran a tenu des propos ignobles, des propos antisémites, des propos sur la destruction d'Israël», souligne le président américain.

«C'est précisément pour cela que j'ai dit, avant même de devenir président, que l'Iran ne devait pas disposer de l'arme nucléaire», ajoute-t-il.

Selon lui, pour qu'un accord soit trouvé, «il faut tout d'abord que l'Iran démontre clairement qu'il n'est pas en train de développer l'arme nucléaire, et que nous puissions nous en assurer de manière intrusive et constante».

«Honnêtement, jusqu'ici ils n'ont pas fait les compromis que j'estime indispensables pour parvenir à un accord final. Mais ils ont évolué, donc c'est envisageable», affirme le président des États-Unis.