Les grandes puissances et l'Iran se retrouvent lundi pour les dernières heures d'une négociation acharnée sur le dossier nucléaire iranien, qui à défaut d'accord historique risque de déboucher sur une nouvelle prolongation.

Six jours de tractations ininterrompues n'ont pas permis de réduire les écarts de position sur l'enrichissement d'uranium et les sanctions, les deux clés d'un accord qui mettrait fin à douze ans de controverse entre l'Iran et les grandes puissances.

Le délai pour négocier court jusqu'à lundi minuit, et chaque partie promet de l'utiliser au mieux, sans renoncer à l'espoir d'un règlement politique. «Nous nous concentrons sur un dernier effort, un grand effort (lundi) matin», a assuré Philip Hammond, le ministre britannique des Affaires étrangères: «Bien sûr, si nous n'y parvenons pas, nous regarderons comment avancer ensuite.»

Cet «ensuite» a déjà commencé pendant le week-end.

L'Américain John Kerry et l'Iranien Mohammad Javad Zarif, qui ont multiplié les tête-à-tête, ont abordé ensemble les différents scénarios sur la meilleure manière de poursuivre la négociation, a rapporté une source iranienne.

Les États-Unis ont également admis travailler sur l'hypothèse d'une prolongation dont la durée est inconnue, même si une source iranienne, interrogée par l'AFP, a parlé de «six mois ou un an.»

«Les durs qui veulent saboter l'accord»

L'option d'une prolongation est lourde de périls politiques pour le président modéré iranien Hassan Rohani et pour son homologue américain Barack Obama, tous deux aux prises avec ce que l'analyste Kelsey Davenport, interrogée par l'AFP, appelle «les durs qui, à Washington comme à Téhéran, veulent saboter l'accord».

La communauté internationale exige que l'Iran réduise ses capacités nucléaires afin d'exclure tout débouché militaire. Téhéran, qui soutient que son programme nucléaire est strictement pacifique, revendique son droit à une filière nucléaire civile complète et demande la levée des sanctions économiques qui l'asphyxient.

Les deux parties négocient en vertu d'un accord intérimaire conclu à Genève en novembre 2013. Prolongé une première fois en juillet, l'accord de Genève prévoit le gel d'une partie des activités nucléaires de l'Iran contre une levée partielle des sanctions internationales.

Le proroger «serait le moindre mal», selon la source iranienne, expliquant que le pire serait «un climat de confrontation avec une escalade de part et d'autre. Par exemple, qu'on réponde à de nouvelles sanctions par un développement du programme nucléaire».

Tractations frénétiques

«Nous faisons le maximum pour avoir un accord, mais il faut que ce soit un accord positif et qui permette de travailler pour la paix», a souligné dimanche soir le ministre français Laurent Fabius, de retour à Vienne pour la dernière ligne droite de tractations frénétiques depuis une semaine.

Après s'être entretenu pour la sixième fois en trois jours avec M. Zarif, et avoir passé des dizaines d'appels téléphoniques aux alliés de l'Amérique, John Kerry s'est entretenu dimanche soir avec son homologue russe Sergueï Lavrov, arrivé dans la journée. Le Français Laurent Fabius, le Britannique Philip Hammond, l'Allemand Frank-Walter Steinmeier et la négociatrice de l'Union européenne Catherine Ashton ont ensuite partagé un dîner de travail avec le chef de la diplomatie américaine.

Lundi matin, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, doit arriver à Vienne pour les dernières heures de la négociation.

Remettant la pression sur l'Iran, le président américain Barack Obama a assuré avoir «toute la communauté internationale de (son) côté», dans un entretien à la télévision ABC diffusé dimanche.

Kelsey Davenport, analyste interrogée par l'AFP, estime qu'une prolongation de plusieurs mois «n'aurait aucune chance» d'aboutir. Cette experte en non-prolifération nucléaire de l'Arms Control Association juge en revanche réaliste «une courte prolongation pour affiner les détails d'un accord», en cas d'avancée suffisante d'ici lundi soir.

Un accord complet redonnerait du souffle à l'économie iranienne, grâce à la levée de l'embargo occidental sur le pétrole. Il offrirait des perspectives de normalisation entre l'Iran et l'Occident, voire des coopérations sur l'Irak et la Syrie.

Mais une prolongation des pourparlers pourrait faire le jeu de ceux qui, en Occident et en Iran, sont opposés à une sortie de crise.

Des élus américains sont favorables à de nouvelles sanctions contre Téhéran. Et à partir de janvier les opposants républicains à Barack Obama contrôleront le Congrès, entravant la marge de manoeuvre du président démocrate.

Un semi-échec à Vienne fragiliserait aussi le président iranien modéré Hassan Rohani, qui joue une grande partie de sa crédibilité sur le succès de cette ouverture vers les grandes puissances.