Programme balistique, sites nucléaires, enrichissement à 20 % : l'Iran a posé lundi ses «lignes rouges» avant la reprise des négociations avec les grandes puissances la semaine prochaine à Vienne.

Ces discussions, prévues les 18 et 19 février, promettent d'être difficiles pour parvenir à un accord global garantissant la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien. Les Occidentaux et Israël soupçonnent depuis plus d'une décennie ce programme de cacher un volet militaire, malgré les dénégations de Téhéran.Le président Hassan Rohani a toutefois affirmé que l'Iran était «prêt» à ces négociations et «sérieux» dans sa volonté de «parvenir à un accord global et final».

Les deux parties ont déjà conclu en novembre à Genève un accord historique. Téhéran a stoppé pour six mois certaines activités nucléaires sensibles contre une levée partielle des sanctions. L'Iran a notamment cessé d'enrichir l'uranium à 20 %, étape importante vers un niveau militaire (90 %). En parallèle, l'Iran a accepté dimanche d'aborder la possible dimension militaire de son programme avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Téhéran va fournir, pour la première fois depuis plusieurs années, des informations sur le développement de détonateurs susceptible d'être utilisés dans la fabrication d'une bombe nucléaire.

«Comme lors des précédentes négociations (...) nous ne permettrons pas qu'on aborde les questions de défense (qui) constituent notre ligne rouge», a affirmé Abbas Araghchi, vice-ministre des Affaires étrangères et chef des négociateurs nucléaires iraniens.

La sous-secrétaire d'État Wendy Sherman a récemment affirmé que la question du programme balistique de l'Iran devait être abordée par le groupe 5+1 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) lors des prochaines discussions. Elle a aussi estimé que l'Iran n'avait pas besoin du réacteur à eau lourde d'Arak, actuellement en construction, ou du site souterrain d'enrichissement d'uranium de Fordo.

Le programme balistique iranien inquiète les pays occidentaux, notamment les missiles d'une portée de 2000 km capables d'atteindre Israël, et a été condamné par plusieurs résolutions de l'ONU, assorties de sanctions internationales.

Pour sa part, Majid Takhte Ravanchi, un autre négociateur nucléaire iranien, a répété lundi que l'Iran n'acceptera la fermeture d'«aucun de ses sites nucléaires».

Mais, pour tenter de «lever les inquiétudes» occidentales, Téhéran est prêt à modifier les plans du réacteur d'Arak pour y limiter la production du plutonium et à ne pas construire d'usine de retraitement, obligatoire pour purifier le plutonium à un niveau militaire.

«Manque de confiance»

Ali Akbar Salehi, le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) a également écarté tout abandon de l'enrichissement d'uranium à 20 %. Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a la haute main sur les négociations nucléaires, «a dit qu'il ne fallait pas abandonner le droit de l'enrichissement à 20 %, car c'est le droit du pays», a-t-il ajouté. M. Salehi a par ailleurs annoncé la mise au point d'un nouveau type de centrifugeuse «15 fois plus puissante» que celles de première génération, actuellement en activité.

Les prochaines négociations seront «difficiles», ont prévenu les responsables iraniens. Le chef de la diplomatie, Mohammad Javad Zarif, a dit espérer que les discussions de Vienne fixent seulement le cadre des futures négociations.

«La plus grande difficulté vient de l'absence de confiance» envers les États-Unis, a-t-il expliqué. Washington a récemment étoffé sa liste noire de personnes ou entités soupçonnées de contourner les sanctions contre Téhéran.

Pourtant, selon l'analyste basé à Téhéran Mohammad Ali Shabani, les avancées avec l'AIEA peuvent servir les intérêts du 5+1.

«C'est un bon indicateur du sérieux de l'Iran dans la recherche d'une solution politique et qu'il est prêt à répondre à toutes les questions en suspens» de l'agence onusienne, a-t-il dit à l'AFP. L'AIEA veut déterminer si Téhéran a, ou non, cherché à se doter de la bombe atomique avant 2003, voire après.

Soulignant que le dialogue avec l'AIEA «est dépendant de celui avec le 5+1, pas l'inverse», M. Shabani a mis en garde contre une «exagération de l'importance de l'accord», même si celui-ci «permettra au 5+1 de vendre plus facilement les négociations à un auditoire sceptique».

La coopération avec l'Agence joue un rôle essentiel dans ces dernières négociations, l'AIEA étant chargée de surveiller les mesures prévues par l'accord de Genève.