Washington a ciblé jeudi plusieurs Iraniens soupçonnés de contourner les sanctions existantes sur le nucléaire iranien, un geste de fermeté montrant aux faucons du Congrès que l'administration de Barack Obama ne relâche pas sa vigilance pendant les négociations de Genève.

De nombreux parlementaires américains, méfiants vis-à-vis des dirigeants iraniens et sceptiques devant l'accord intérimaire du 24 novembre à Genève, envisagent de nouvelles sanctions économiques pour forcer Téhéran à signer un accord final qui inclurait l'abandon du droit à l'enrichissement d'uranium.

La Maison-Blanche et le département d'État entendent au contraire respecter à la lettre l'accord de Genève, qui stipule que les grandes puissances du P5+1 ne renforceront pas leurs sanctions pendant six mois et en suspendront même une petite partie.

Fruit d'un lobbying intense, leur position prévalait à ce jour au sein des dirigeants du Congrès, et la menace d'un vote rebelle semblait écartée jusqu'à janvier au moins.

La commission bancaire du Sénat, qui a la tutelle du dossier, n'agira pas dans l'immédiat, a déclaré jeudi son président, le démocrate Tim Johnson.

«La demande de l'administration d'une pause diplomatique est raisonnable», a-t-il déclaré lors de l'audition de la numéro trois du département d'État, Wendy Sherman. «Nous ne devrions pas faire quoi que ce soit de contre-productif qui risquerait de fragiliser l'unité occidentale dans ce dossier».

«Il n'y a aucun doute: nous ne voulons pas que l'Iran puisse dire que les États-Unis sont la cause du blocage sur l'accord», a approuvé Mme Sherman.

La porte-parole adjointe du département d'État Marie Harf a bien sûr salué la décision du sénateur Johnson prise «dans le meilleur intérêt de notre diplomatie».

Mais elle a surtout révélé que des diplomates américains négociant à Vienne avec des homologues iraniens la suite de l'accord de Genève, les avaient informés à l'avance des décisions punitives annoncées jeudi matin par le Trésor et le département d'État.

En application de sanctions existantes, les États-Unis ont annoncé avoir ajouté à leur liste noire une dizaine d'entreprises et d'individus, en majorité iraniens, soupçonnés de commercer illégalement avec l'Iran. Ces sociétés et dirigeants verront leurs éventuels avoirs aux États-Unis gelés, et toute société américaine faisant des affaires aux États-Unis a désormais interdiction de commercer avec eux.

Résolution du Congrès

Les dirigeants américains martèlent que l'accord de six mois conclu à Genève, qui commencera à s'appliquer dans «quelques semaines», selon Mme Sherman, maintient l'immense étau des sanctions internationales accumulées depuis des années.

Sur les six prochains mois, si l'Iran coopère, l'allègement progressif de certaines sanctions fera gagner au pays environ six à sept milliards de dollars, notamment via l'accès à 4,2 milliards de fonds bloqués, selon Washington.

Mais le volume d'exportations pétrolières iraniennes restera bloqué au niveau actuel, ce qui fera perdre à l'Iran environ 30 milliards de dollars par rapport à leurs revenus pétroliers de 2011, a expliqué le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew.

«L'allègement qui a été offert ne représente qu'une fraction des sanctions, dont la pression continuera de se faire sentir sur les six prochains mois», a-t-il dit. «Les PDG (...) ou les hommes d'affaires qui penseraient que c'est le moment de tester notre détermination devraient y réfléchir à deux fois».

Le Congrès entend cependant user de ses prérogatives et surveiller la mise en place de l'accord de Genève.

Des sanctions seront adoptées «rapidement si l'Iran ne respecte pas les termes de l'accord intérimaire de Genève», a prévenu Tim Johnson. Mais pas tout de suite.

Les sénateurs démocrates Robert Menendez et républicains Mark Kirk poussaient au contraire pour une proposition de loi immédiate, qui déclencherait des sanctions très dures à l'issue de la période initiale de six mois, à moins qu'un accord final sur le nucléaire soit imminent avec Téhéran. Cette menace devrait, selon eux, forcer la main des Iraniens.

Mais ces élus ne peuvent forcer un vote au Sénat et le chef de la majorité démocrate, Harry Reid, ne leur a pas donné son feu vert. D'ailleurs, Robert Menendez a semblé faire marche arrière, se disant jeudi favorable à une simple résolution non contraignante.