Contre l'avis de Barack Obama, le Sénat américain envisage de voter prochainement un nouveau volet de sanctions contre l'Iran, une loi qui selon Washington et ses partenaires du P5+1 risquerait de saboter l'accord sur le nucléaire iranien arraché à Genève.

Les lieutenants et ministres du président américain font le siège du Congrès depuis des semaines pour convaincre les élus de ne pas court-circuiter le délicat cycle de négociations de six mois ouvertes dans la foulée de l'accord intérimaire du 24 novembre.

Peine perdue, la campagne de lobbying, en public et en privé, ne semble pas avoir dissuadé les nombreux élus déterminés à resserrer l'étau sur le secteur pétrolier iranien et d'autres industries (minière, bâtiment et ingénierie). Ils estiment que l'escalade de sanctions est le seul mécanisme efficace pour pousser Téhéran à négocier.

Un groupe de sénateurs démocrates et républicains, autour du président démocrate de la commission des Affaires étrangères Robert Menendez et du républicain Mark Kirk, élabore actuellement un texte de sanctions nouvelles, malgré l'accord de Genève qui prévoit au contraire une suspension partielle des sanctions actuelles.

Le texte ne s'appliquerait que dans six mois et servirait de bâton, «si le régime triche sur l'accord intérimaire ou essaie de faire traîner les négociations sur un accord final», explique à l'AFP un responsable sénatorial impliqué dans les discussions.

De même source, le texte pourrait être dévoilé cette semaine, dans le but d'un vote final avant Noël. Le calendrier et la procédure législative n'ont toutefois pas été validés par le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid.

Au terme de ces six mois, selon une autre source sénatoriale, une clause pourrait permettre au président Obama de reporter pendant une courte période la mise en place de ces sanctions supplémentaires si un accord final s'avérait imminent, mais certainement pas pendant six mois supplémentaires.

«Il est très important de créer un régime de sanctions en forme de police d'assurance, et qui nous donne un levier» dans les négociations, a expliqué Robert Menendez dimanche sur la chaîne ABC.

Le projet de loi pourrait abaisser une nouvelle fois le plafond autorisé des exportations pétrolières iraniennes, actuellement d'environ 1,2 million de barils par jour, pour étrangler encore plus le régime.

Les six pays qui importent encore du pétrole iranien, actuellement exemptés de sanctions américaines, pourraient s'exposer à des sanctions s'ils ne réduisaient pas leurs volumes d'importations dans un délai déterminé.

Kerry au Congrès mardi

La sourde oreille du Congrès face aux suppliques de l'administration souligne le rôle de «méchant flic» («bad cop») que joue le Congrès depuis plusieurs années et le peu d'influence dont dispose le président Obama sur les élus dans ce dossier.

La Chambre des représentants a adopté un texte de sanctions très dur en juillet par 400 voix contre 20. Au Sénat, les trois lois de sanctions adoptées depuis 2010 l'ont été à l'unanimité.

Les parlementaires ont en outre, à de multiples reprises, témoigné leur soutien indéfectible pour Israël.

Le président Obama dispose bien d'un droit de veto sur toute législation. Mais si les nouvelles sanctions étaient inclues dans la grande loi sur la défense qui doit être votée dans les prochaines semaines, ce veto pourrait s'avérer politiquement difficile.

Comme la Maison-Blanche, les puissances du groupe P5+1 suivent les débats parlementaires américains de très près.

«Pour nous, c'est évidemment un paramètre, mais par définition nous n'avons que très peu d'influence là-dessus», dit un responsable européen.

Les sénateurs reviennent lundi à Washington après les congés de Thanksgiving, pour une semaine décisive. Les responsables démocrates du Sénat, alliés de Barack Obama, n'ont pas annoncé s'ils permettraient à une loi de sanctions d'être soumise à un vote en décembre. S'ils refusaient, les partisans de sanctions pourraient tenter de forcer leur main, par exemple en passant par la Chambre des représentants.

Dans un ultime plaidoyer, le secrétaire d'État John Kerry se rendra à nouveau mardi à la Chambre des représentants pour tenter de dissuader les élus.