L'accord trouvé dimanche à Genève entre l'Iran et les grandes puissances préserve le programme nucléaire de Téhéran et affaiblit le régime de sanctions, a affirmé lundi le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif.

«La structure du programme nucléaire de l'Iran a été préservée lors des négociations et celle des sanctions s'est effritée», a déclaré M. Zarif, cité par les médias, lors d'une réunion de scientifiques à Téhéran.

L'accord intérimaire de six mois, conclu dimanche après cinq jours d'âpres discussions, limite les activités nucléaires de Téhéran en échange d'un allègement limité des sanctions qui frappent l'économie iranienne. Il doit mener à un accord global garantissant que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique.

M. Zarif, qui a été reçu en héros à son retour dimanche soir à l'aéroport de Téhéran, a répété que les droits de l'Iran à l'enrichissement d'uranium sur son sol, au coeur des inquiétudes occidentales, étaient contenus dans l'accord, même s'ils n'apparaissaient pas dans le texte, comme l'affirment les États-Unis.

«Est-ce que le droit d'avoir une centrale nucléaire ou un réacteur est écrit dans le texte», a-t-il lancé, selon l'agence Irna.

«En général, les droits (d'un pays) n'ont pas besoin d'être reconnus et les autres pays doivent les respecter», a-t-il dit.

La presse iranienne salue un «accord historique»

La quasi-totalité des journaux iraniens a salué lundi l'accord nucléaireen mettant l'accent sur le succès personnel de Mohammad Javad Zarif, plusieurs titres conservateurs jugeant toutefois les États-Unis comme n'étant pas «dignes de confiance».

«Ici, c'est l'Iran, tout le monde est content», titre en une le quotidien réformateur Etemad qui publie un reportage racontant, à partir de témoignages recueillis dans les rues de plusieurs villes, mais aussi des réseaux sociaux, l'impatience des Iraniens restés réveillés toute la nuit de samedi à dimanche pour attendre le résultat des négociations de Genève.

Le quotidien Haft-e-Sobh estime que «Zarif a gagné la bataille de Facebook» en affirmant que près de 164 000 personnes ont mis une mention «j'aime» sur le commentaire du chef de la diplomatie lorsqu'il a annoncé dimanche matin la conclusion d'un accord nucléaire. D'ailleurs, près de 700 000 personnes suivent la page Facebook de M. Zarif, ce qui constitue en soit un record.

Pour le quotidien réformateur Arman, il faut décerner «une médaille d'or à Zarif». Le journal publie en une grande photo de Zarif à son arrivée à Téhéran. Assis sur un fauteuil, il a pris sur ses genoux Armita, la petite fille de Dariush Rezaï-Nejad, un scientifique nucléaire tué dans un attentat en 2011.

Plusieurs journaux publient également la photo de M. Zarif et du secrétaire d'État américain John Kerry en train de se serrer la main après l'accord de Genève. «Une poignée de main qui a permis de sortir de l'impasse», estime le quotidien Etemad en première page.

Le grand quotidien réformateur Shargh publie la photo Zarif-Kerry en affirmant que «les sanctions vont voler en éclat», reprenant ainsi une phrase du président Hassan Rohani.

Le quotidien gouvernemental Iran salue la victoire «de la diplomatie de modération» (slogan de M. Rohani) en affirmant qu'en moins de 100 jours, le gouvernement a réussi à faire sortir le pays d'une «crise de 10 ans».

Parmi la vingtaine de quotidiens nationaux, seuls deux quotidiens conservateurs Kayhan et Vatan-e-Emrooz ont choisi un ton un peu critique.

Pour Kayhan «les États-Unis ne sont pas dignes de confiance». «L'accord de Genève n'a duré qu'une heure», car John Kerry a affirmé qu'il «ne reconnaissait pas à l'Iran le droit à l'enrichissement d'uranium».

«Zarif insiste, Kerry nie» titre pour sa part Vatan-e-Emrooz en affirmant qu'«une heure après l'accord la bataille des mots a commencé entre les chefs de la diplomatie iranienne et américaine sur le droit à l'enrichissement d'uranium». L'Iran affirme en effet que l'accord prévoit son droit à l'enrichissement d'uranium malgré les déclarations de M. Kerry.

Les menaces israéliennes «sonnent creux»

L'accord bride les velléités israéliennes de frappe, contraignant le premier ministre Benyamin Nétanyahou à se contenter d'en surveiller l'application, tout comme les pétromonarchies arabes, selon les analystes.

Les fréquentes menaces de M. Nétanyahou de raids contre les installations nucléaires iraniennes sonnent de plus en plus creux après l'accord annoncé dimanche, relèvent les commentateurs.

«Il n'y a aucune chance pour qu'Israël lance une attaque militaire contre l'Iran durant les six mois que durera l'accord intérimaire conclu à Genève», a déclaré lundi l'ancien chef de l'armée de l'Air, Eitan Ben Eliahou.

«Personne ne comprendrait» dans cette période une frappe israélienne, a souligné lundi le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.

«Aussi longtemps qu'il y a un aussi vaste soutien pour cet accord intérimaire, bombarder les installations nucléaires de l'Iran serait un suicide politique et diplomatique», résume le spécialiste militaire du quotidien Haaretz.

Empruntant une formule au célèbre western spaghetti Le Bon, la Brute et le Truand, un commentateur du même journal ironise sur le caractère répétitif des menaces de M. Nétanyahou: «Quand on tire, on ne raconte pas sa vie».

Il exhorte le premier ministre à renoncer à une nouvelle «campagne agressive et futile contre l'administration américaine».

Un éditorialiste du quotidien Yediot Aharonot estime que cet accord «n'est pas bon, mais ce n'est pas la fin du monde», reprochant à M. Nétanyahou d'avoir réagi comme si tel était le cas et qu'il s'apprêtait à «ordonner une frappe militaire en Iran au milieu des négociations».

«Une telle décision mettrait Israël en porte à faux avec le monde entier, à l'exception de l'Arabie saoudite, notre ami loyal, dévoué et éternel», ironise-t-il, en référence aux inquiétudes partagées avec les monarchies du Golfe face aux ambitions régionales de Téhéran.

Le nouveau chef de l'opposition, le dirigeant travailliste Yitzhak Herzog, a appelé M. Nétanyahou à «baisser le ton le plus vite possible» vis-à-vis de l'allié stratégique américain.