Les grandes puissances et l'Iran se réuniront mercredi à Bagdad dans l'espoir d'enrayer l'escalade de la crise autour du programme nucléaire iranien, mais l'annonce mardi d'un «accord» à ce sujet entre Téhéran et l'AIEA a été froidement accueillie, notamment par Israël.

L'annonce de cet accord a été faite mardi matin par le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Yukiya Amano, de retour d'une visite à Téhéran.

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Cette «décision», qui vise à lever les incertitudes sur la nature du programme nucléaire iranien, est un «développement important», a-t-il ajouté.

Mais contrairement aux espoirs initiaux de certains diplomates avant sa visite, l'accord n'a pas été signé: il doit l'être «prochainement», a promis M. Amano.

La Maison-Blanche a estimé que cette annonce constituait «un pas en avant», mais prévenu qu'elle jugerait «le comportement de l'Iran sur la base de ses actes», selon le porte-parole de la présidence américaine, Jay Carney. La présidente de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine, Ileana Ros-Lehtinen, a quant à elle qualifié de «promesses vides» le projet d'accord.

Mais selon un diplomate occidental, la visite de M. Amano à Téhéran n'a en réalité pas permis de «percée». Elle paraît même décevante selon un autre, qui a toutefois indiqué que de nouvelles réunions à Vienne mardi donneraient une «idée plus claire» du tableau.

«Il ne s'agit que d'une promesse et l'Iran en a fait beaucoup dans le passé», a indiqué un troisième diplomate, notant que Téhéran essayait peut-être de faire bonne figure à la veille de la réunion de Bagdad.

Le ministre israélien des Finances Youval Steinitz a pour sa part déclaré que son gouvernement était «assez soupçonneux» face à ces développements. «Nous avons vu les Iraniens jouer pendant des années à cache-cache avec la communauté internationale et l'Agence internationale de l'énergie atomique», a-t-il dit.

Mark Hibbs, spécialiste des questions de prolifération à la Fondation Carnegie, fait pour sa part remarquer que «la négociation n'est pas finie tant qu'il n'y a pas de signature». «Amano doit être extrêmement prudent de ne pas faire de concessions à l'Iran juste pour avoir un accord. Cela constituerait un mauvais précédent», met-il en garde.

Les discussions à Bagdad doivent réunir l'Iran et le groupe «5+1» (les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU: États-Unis, Russie, Chine, France, et Grande-Bretagne, plus l'Allemagne).

Une certaine incertitude pèse toutefois sur le calendrier de la réunion en raison d'une tempête de sable qui a provoqué mardi la fermeture de l'aéroport de Bagdad pour une durée indéterminée. Le chef des négociateurs iraniens Saïd Jalili est déjà sur place mais l'arrivée des autres délégations pourrait être perturbée.

Les grandes puissances devraient tenter de convaincre l'Iran de suspendre son enrichissement à 20% et de se soumettre à des visites plus poussées de l'AIEA via la mise en oeuvre du protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).

À ce sujet, l'Iran a annoncé mardi soir avoir approvisionné son réacteur de Téhéran avec du combustible nucléaire produit localement et enrichi à 20%, afin de souligner les progrès techniques effectués dans le domaine nucléaire.

L'AIEA souhaite aussi que Téhéran apporte des réponses au rapport qu'elle a publié en novembre, dans lequel figure une série d'éléments indiquant que l'Iran a travaillé à la mise au point de l'arme atomique jusqu'en 2003 et, peut-être, ensuite.

L'Iran de son côté pourrait être déçu s'il espère un allègement des sanctions en échange de concessions sur ces points: il devrait au mieux espérer une promesse - conditionnelle - de ne pas s'en voir imposer de nouvelles.

Rien ne garantit que les deux camps en arrivent à l'échange de promesses fermes, souligne un diplomate. Même si les discussions se passent bien, les résultats pourraient ne pas être «tangibles».

Ils pourraient en réalité se résumer à un accord sur la tenue à un rythme régulier de discussions de travail techniques. Mais même un tel processus exigerait deux éléments cruciaux: la patience et la confiance.