L'archevêque Desmond Tutu, proche de Nelson Mandela mais grand pourfendeur du pouvoir en Afrique du Sud, a créé la stupeur en annonçant qu'il ne viendrait pas aux obsèques de son ami dimanche, faute d'avoir été invité, avant de se raviser dans la soirée et d'annoncer sa participation.

Desmond Tutu «se rendra» finalement à Qunu «tôt demain (dimanche) pour assister aux obsèques de Tata» Mandela, selon un  communiqué de son bureau. Aucune raison de ce revirement n'est indiquée dans ce bref communiqué.

Auparavant, ses services avaient annoncé avoir annulé le billet d'avion qui devait le mener dans la province du Cap Oriental, où Nelson Mandela sera enterré, parce qu'il «n'a reçu aucune invitation ou accréditation».

«Nous n'avons pas envoyé d'invitation à Tutu mais nous n'en avons envoyé à personne», a répondu Collins Chabane, ministre à la présidence. En revanche, a-t-il dit, «Tutu est accrédité. S'il veut venir, il est le bienvenu.»

«Même si j'aurais adoré assister à la cérémonie pour faire mes adieux à une personne que j'aimais et chérissais, cela serait manquer de respect à Tata que de m'imposer dans ce qui est présenté comme des funérailles strictement familiales», a commenté l'ancien chef de l'Église anglicane d'Afrique du Sud, âgé de 82 ans.

«Si mon bureau ou moi-même avions été informés que j'étais le bienvenu, pour rien au monde je n'aurais manqué ça», avait ajouté le prélat, qui a célébré les funérailles de plusieurs grands noms de la lutte anti-apartheid (Steve Biko, Chris Hani...)

Desmond Tutu a acquis sa notoriété sous le régime raciste en organisant plusieurs grandes marches pacifiques au Cap et en militant pour l'adoption de sanctions internationales. Ce combat lui a valu le Prix Nobel de la Paix en 1983 et une profonde admiration dans le monde.

On veut qu'il vienne, on l'aime

Mais le prélat est peu à peu devenu une épine dans le pied pour le Congrès national africain (ANC), le parti de la lutte anti-apartheid au pouvoir depuis 1994 qu'il n'a jamais hésité à critiquer.

Franchissant un dernier cap, il a promis en 2013 de ne plus jamais voter pour l'ANC, déçu par la corruption, l'état des écoles publiques, la pauvreté persistante, ou encore la ligne pro-chinoise du président Jacob Zuma.

«Notre gouvernement est pire que le gouvernement de l'apartheid», a-t-il même lancé en 2011, lui reprochant d'avoir refusé un visa au dalaï-lama sous la pression de la Chine.

Quelque 4500 personnes sont accréditées pour assister à l'hommage officiel dimanche de 8h00 à 10h00 (1h00 à 5h00 heure de Montréal) mais seules 450, les plus proches, pourront suivre la mise en terre selon les rites traditionnels xhosa.

Avant l'annonce de sa venue, les résidents de Qunu commentaient: «C'est mal que Tata Tutu ne soit pas invité. Il a lutté contre l'apartheid comme Madiba, soulignait Limwell Gangathele, 31 ans. «Ils se connaissaient très bien.»

«Ils doivent l'inviter, il était très proche de Tata Mandela», renchérissait Yoliswa Ziqwayi, 23 ans. «On veut qu'il vienne. On l'aime.»

Mardi lors d'une cérémonie officielle d'hommage à Mandela à Soweto, en présence d'un nombre exceptionnel de dignitaires étrangers, Desmond Tutu avait déjà été exclu du programme officiel. Il fut finalement le dernier des orateurs, invité seulement à donner la bénédiction.

Avec son énergie habituelle, il avait fait hurler un puissant «Oui» au public après avoir lancé «Nous promettons à Dieu que nous allons suivre l'exemple de Nelson Mandela!»