Toujours tendues et ambiguës, les relations entre les États-Unis et le Pakistan se sont crispées encore davantage au cours des 48 dernières heures, une conséquence directe de l'élimination d'Oussama ben Laden, qui a pu vivre impunément dans une ville-garnison pakistanaise pendant plus de cinq ans.

Signe de la dégradation des liens entre Washington et Islamabad, des médias pakistanais ont révélé hier l'identité du chef de station de la CIA dans leur pays, ayant vraisemblablement reçu l'information de l'ISI, le service de renseignement pakistanais.

Cette fuite, qui risque de compliquer la tâche de la CIA au Pakistan, est intervenue au lendemain de la diffusion d'une interview dans laquelle Barack Obama a évoqué la possibilité que le chef d'Al-Qaïda ait disposé d'appuis au sein même du gouvernement pakistanais.

«Nous pensons qu'il y a dû y avoir un réseau de soutien, sous une forme ou une autre, pour ben Laden à l'intérieur du Pakistan mais nous ne savons pas lequel», a déclaré le président américain au journaliste Steve Kroft de l'émission 60 Minutes.

«Nous ne savons pas s'il y a des gens (qui ont aidé ben Laden) au sein ou à l'extérieur du gouvernement. Nous devons enquêter là-dessus et, encore plus important, le gouvernement pakistanais se doit d'ouvrir une enquête», a-t-il ajouté.

Gilani se braque

Le premier ministre pakistanais a annoncé hier la tenue d'une enquête sur la présence de ben Laden dans son pays, tout en qualifiant d'«absurdes» les accusations d'incompétence et de duplicité formulées contre l'armée et les services de renseignement pakistanais.

«Ce n'est pas sincère que d'accuser le Pakistan ou ses institutions, y compris l'ISI et les forces armées, d'avoir été de mèche avec Al-Qaïda, car Al-Qaïda a mené des centaines d'attentats suicide» dans tout le Pakistan, a déclaré Yousuf Raza Gilani lors d'un discours devant le Parlement pakistanais.

«Oui, il y a eu un échec des services de renseignement, mais pas seulement des nôtres. C'est l'échec de toutes les agences de renseignement du monde», a-t-il ajouté en reprochant aux États-Unis, en termes à peine voilés, d'avoir joué un rôle dans la création d'Al-Qaïda et du mythe ben Laden.

Opération dénoncée

Il a également déploré «l'unilatéralisme» dont Washington a fait preuve selon lui en orchestrant une opération de commandos américains contre la résidence de ben Laden, une accusation que le porte-parole de la Maison-Blanche a rejetée.

«Nous ne nous excuserons pas pour les mesures que le président (Obama) a prises», a déclaré Jay Carney.

Ce n'était pas la première fois que le nom du chef de station de la CIA au Pakistan était publié dans les médias du pays. La même chose s'est produite il y a cinq mois dans le cadre d'une plainte déposée par un homme qui accusait la CIA d'avoir tué son fils et son frère au cours d'un tir de drone. Après avoir reçu des menaces, l'agent américain a été rapatrié. Son remplaçant n'a pas l'intention de quitter son poste, selon des responsables américains.

Guantánamo

Le ministre de la Justice américain a par ailleurs indiqué hier qu'il n'avait pas l'intention d'abandonner son projet de fermer le centre de détention de Guantánamo à la suite de l'élimination de ben Laden. Certains défenseurs de l'administration précédente font valoir ces jours-ci que les interrogatoires menés dans cette prison ont permis de repérer le chef d'Al-Qaïda.

«Nous pensons que la sécurité nationale des États-Unis sera renforcée par la fermeture de ces installations», a déclaré Eric Holder en déplacement à Paris.