Ne manquaient que Pôpa et Môman pour compléter le tableau à la fois banal et absurde de la petite vie d'Oussama ben Laden dans son domicile d'Abbottabad, au Pakistan.

Dans une des cinq vidéos diffusées samedi par l'administration Obama, le fondateur d'Al-Qaïda, enveloppé dans une couverture brune et arborant un bonnet noir, pointe une télécommande vers un téléviseur, changeant de chaînes pour trouver celles qui montrent des images de lui-même. Avec sa barbe blanche, il fait penser à un vieil acteur qui cherche les preuves de sa gloire passée.

L'apparition de Barack Obama dans l'une des images donne à penser que cette vidéo a été réalisée après janvier 2009.

Dans les autres vidéos, dont l'une aurait été réalisée à l'automne 2010, ben Laden répète ou enregistre des messages qu'il entendait distribuer ensuite à ses disciples. Sa barbe n'est plus blanche et broussailleuse, mais bien taillée et teinte en noir.

Ces vidéos, dont le son a été coupé avant d'être montrées aux médias, font partie des documents récupérés dimanche dernier par les commandos américains qui ont tué ben Laden dans le complexe d'Abbottabad. Selon un haut responsable américain, elles démontrent que l'ennemi numéro un des États-Unis était «très intéressé par sa propre image», dont il prenait un soin «jaloux».

À la fin d'une semaine qui a commencé par l'élimination de ben Laden, les États-Unis se sont donc employés à déconstruire son mythe en le présentant comme un personnage vaniteux, voire ridicule. En même temps, et de façon peut-être paradoxale, ils ont également brossé de lui le portrait d'un chef terroriste actif jusqu'à sa mort.

«Le complexe d'Abbottabad était un poste de commandement et de contrôle actif pour le numéro un d'Al-Qaïda et il est clair qu'il ne se contentait pas d'être un simple penseur ou stratège pour l'organisation», a déclaré le haut responsable du renseignement américain, qui s'est adressé samedi à la presse sous le couvert de l'anonymat.

«Il était actif dans les préparatifs opérationnels et dans la prise de décisions d'ordre tactique», a-t-il ajouté.

Les États-Unis disent être arrivés à cette conclusion après une première lecture des nombreux documents découverts dans le repaire de ben Laden. Selon l'administration Obama, celui-ci a joué un rôle direct dans la planification d'attentats perpétrés par Al-Qaïda et ses groupes affiliés au Yémen et en Somalie.

Si les documents contiennent des informations sur l'endroit où se trouve le numéro deux d'Al-Qaïda, Ayman Zawahiri, l'administration Obama ne le dit pas. En revanche, elle affirme que plusieurs hauts commandants du réseau terroriste ont trouvé refuge sur l'ensemble du territoire pakistanais et pas seulement dans les zones tribales du Waziristan. Ceux-ci jouissent de l'aide et de la protection de Pakistanais, selon un responsable américain.

Nouveau regard sur ben Laden

Une semaine après la mort d'Oussama ben Laden, les médias américains jettent également un nouveau regard sur lui. Dans un article publié hier, le New York Times présente le chef d'Al-Qaïda dans ses dernières années comme «un homme isolé, qui s'ennuie peut-être un peu, présidant à la vie familiale tout en planifiant le chaos».

Même s'il n'avait pas l'internet ou une ligne téléphonique, ben Laden semblait se tenir au courant de l'actualité, comme le laissent entendre ses messages des cinq dernières années. En 2007, il déplorait notamment que la conquête du Congrès par les démocrates n'avait pas mené au retrait des troupes américaines d'Irak. En octobre dernier, il évoquait par ailleurs la question des changements climatiques en parlant des inondations au Pakistan.

Il se peut que ben Laden ait continué à écouter religieusement les émissions de la BBC à la radio, comme il le faisait en Afghanistan, selon son fils Omar, qui a vécu à ses côtés jusqu'en 1999.

Le New York Times cite d'ailleurs un courriel qu'Omar a fait parvenir à l'un de ses journalistes en 2009: «Mon père n'aimerait pas être confiné à l'intérieur d'une maison, mois après mois, car il est un amant de la nature. Mais si j'avais à dire ce dont il aurait besoin pour survivre, je dirais de la nourriture et de l'eau. Il se tournerait vers l'intérieur et vivrait dans sa tête.»