Des représentants de l'extrême droite norvégienne ont dénoncé mardi à la barre « l'islamisation » supposée de leur pays dans des témoignages controversés, mais censés aider les avocats d'Anders Behring Breivik à prouver que leur client n'est pas fou.

La 31e journée du procès Breivik a fait la part belle aux idées radicales, la défense tentant de démontrer que les attaques sanglantes du 22 juillet 2011 sont le fruit de convictions idéologiques partagées par un courant, même ultraminoritaire, et non pas la conséquence des délires d'un malade mental.

« La Norvège est en guerre, elle est en voie de balkanisation », a déclaré Tore Tvedt, fondateur du mouvement néo-nazi Vigrid, au tribunal d'Oslo. « Nous ne sommes pas seulement attaqués. Nous sommes en voie d'éradication », a-t-il ajouté.

Avant lui, Arne Tumyr, chef de l'organisation Stop à l'islamisation de la Norvège (SIAN), a lancé une virulente tirade contre l'islam - « une religion de violences, une religion de guerres » - et le prophète Mahomet qualifié de « délinquant sexuel, pilleur de caravanes, assassin, criminel de guerre ».

« Nous considérons l'islam comme une menace pour la société et les valeurs norvégiennes », a-t-il dit, en donnant l'exemple d'une crèche qui a dû renoncer à une référence à Porcinet, le cochon de la fiction Winnie l'Ourson, pour ne pas heurter les enfants musulmans.

Si les témoins ont exprimé des vues proches de celles de l'accusé, aucun n'a toutefois ouvertement apporté son soutien aux attaques commises par l'extrémiste de 33 ans, disant être attachés à la non-violence et aux principes démocratiques.

Dans les milieux d'extrême droite, « il y a des personnes qui soutiennent à la fois les attaques et le manifeste » idéologique sur lequel le tueur voulait attirer l'attention en perpétrant le massacre, a toutefois précisé Ronny Alte, l'ex-chef de la Norwegian Defense League.

Le 22 juillet, Breivik avait tué 77 personnes, dont une majorité d'adolescents, en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, puis en ouvrant le feu sur des centaines de jeunes travaillistes réunis pour un camp d'été sur l'île d'Utoya.

Face aux récriminations des avocats des parties civiles à l'égard des propos tenus à la barre, l'avocat de Breivik, Geir Lippestad, a expliqué que ces témoignages étaient nécessaires pour démontrer que son client est sain d'esprit.

La santé mentale de Breivik est la question centrale du procès.

Jugé psychotique par une première évaluation psychiatrique officielle ensuite contredite par une contre-expertise, l'extrémiste tient à être reconnu pénalement responsable de peur de voir son idéologie invalidée par un constat de maladie mentale.

« Notre objectif n'est pas d'arguer en faveur d'une opinion politique, mais de démontrer que la vue du monde de l'accusé est partagée par d'autres », a souligné M. Lippestad.

Pour éviter que le procès ne devienne une tribune idéologique, les juges n'ont autorisé que la retransmission des témoignages dits d'experts, privant ainsi de facto les activistes politiques radicaux de temps d'antenne.

Dans la matinée, un de ces « experts », Ole Joergen Anfindsen, créateur du site anti-immigration HonestThinking, a cependant pu s'étendre sur les risques démographiques liés à l'islam.

Sous l'objectif des caméras, il a accusé l'institut officiel de statistiques d'avoir longuement sous-estimé à dessein ses projections d'immigration et suggéré que les Norvégiens de souche pourraient être minoritaires dans leur pays d'ici à la fin du siècle.

La juge Wenche Elizabeth Arntzen l'a finalement interrompu, lui demandant de s'en tenir aux points pertinents pour l'affaire.

Séparément, le tribunal d'Oslo a annoncé que le verdict serait vraisemblablement rendu le 20 juillet ou le 24 août.

S'il est reconnu pénalement irresponsable, Breivik risque l'internement psychiatrique, potentiellement à vie. Responsable, il encourt 21 ans de prison, une peine qui pourrait être prolongée aussi longtemps qu'il sera jugé dangereux.