Près 80% du pétrole provenant de la fuite du puits exploité par BP dans le golfe du Mexique serait encore dans l'océan, ont estimé mardi des experts, remettant fortement en question les évaluations très optimistes du gouvernement américain.

Dans leur rapport publié le 4 août, les autorités américaines affirmaient  que 74% des 4,9 millions de barils (779,1 millions de litres) de brut qui se sont déversés dans l'océan entre le 20 avril et le 15 juillet avaient été éliminés.

«La vaste majorité du pétrole de la marée noire provoquée par BP s'est soit évaporée, ou a été brûlée, récupérée en mer ou dispersée...», écrit ainsi la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) sur son site internet.

Mais les chiffres auxquels sont parvenus cinq experts de l'université de Géorgie (sud-est) sont en contradiction avec cet optimisme.

«Nous avons seulement ré-analysé le rapport du gouvernement fédéral (et) calculé la quantité de pétrole pouvant probablement se trouver encore dans l'océan, et c'est comme cela que nous sommes arrivés à 70 à 79%», a expliqué Charles Hopkinson, un des experts ayant produit ce nouveau rapport.

«Une des principales erreurs est de penser que le pétrole qui s'est dissout dans l'eau a disparu et est de ce fait inoffensif», a prévenu cet océanographe. «Ce pétrole est toujours dans l'océan, sous la surface, et il faudra probablement des années avant qu'il ne se dégrade complètement».

Interrogé par l'AFP mardi, un responsable fédéral s'exprimant sous le couvert de l'anonymat a lui aussi revu à la baisse le chiffre annoncé début août, jugeant que seul 50% du brut avait été éliminé.

Il a précisé qu'environ 25% des 4,9 millions de barils avaient été récupérés, brûlés ou récupérés en surface. Les autres 25% ont été dispersés, soit naturellement soit avec des dispersants chimiques, a-t-il ajouté, estimant que la moitié du pétrole se trouvait toujours sous la surface de l'océan, sans qu'on sache exactement où.

De plus, l'impact durable de ce pétrole, même dégradé, sur les micro-organismes des fonds marins reste totalement incertain, a dit cet expert.

Pressé de s'expliquer sur la différence d'évaluation avec celle des experts de l'Université de Georgie, ce responsable a dit que «cela provenait principalement d'une interprétation différente des données chiffrées».

Charles Hopkinson a souligné que contrairement aux hypothèses avancées par le rapport fédéral, la majorité du pétrole qui a fui par 1.500 mètres de fond n'est pas encore remonté à la surface où il s'évaporerait rapidement.

Pour Ed Overton, un océanographe de l'Université de Louisiane (sud) qui a participé au rapport fédéral, «la question cruciale est d'avoir une bonne idée de la quantité de brut qui a déjà fait surface».

Et «c'est sur ce point que la discussion porte surtout et où les experts divergent», a-t-il dit à l'AFP, soulignant qu'à ce stade «franchement nous ne le savons pas et que nous le saurons peut-être jamais».

Selon cet expert «il faudrait au moins deux ans de recherche» avec des équipements spécialisés pour effectuer «une évaluation acceptable» de la quantité de pétrole se trouvant dans l'océan, en raison de la vaste étendue à explorer et de la complexité de la tâche.

En résumé «nous ne savons pas à ce stade où est passé tout ce pétrole», a-t-il reconnu.

«Nous ne pouvons pas conclure que la marée noire est finie, tout comme les dégâts provoqués, tant qu'on aura pas une bonne idée où se trouve le pétrole», a-t-il insisté, disant craindre que BP ne soit tenté de tirer une telle conclusion.