Les violentes critiques de Barack Obama contre BP ont provoqué cette semaine une levée de boucliers au Royaume-Uni, menaçant de polluer la «relation spéciale» que le nouveau premier ministre britannique David Cameron se vante de vouloir cultiver avec les États-Unis.

Des responsables Britanniques, comme le maire de Londres Boris Johnson, se sont émus ces derniers jours de l'effondrement du cours de Bourse de BP, qu'ils ont imputé en grande partie aux attaques «anti-britanniques» contre la compagnie pétrolière.

En ligne de mire, les propos du président américain, qui s'était dit déterminé à «maintenir sa botte» sur la gorge du groupe britannique et à «botter les fesses» des responsables de la marée noire qui ravage le Golfe du Mexique.

Les investisseurs britanniques redoutent que ces critiques ne forcent BP à suspendre le paiement de dividendes, qui représentent une manne importante pour des millions de retraités actionnaires du groupe.

David Cameron a été forcé jeudi de monter au créneau pour défendre BP, au cours de sa première visite en Afghanistan en tant que chef du gouvernement. Il a gardé un ton très diplomatique, assurant partager la «frustration» d'Obama, mais appelant à se concentrer sur la lutte contre la marée noire.

Le ministre des Finances George Osborne est ensuite monté au filet, disantavoir appelé le patron de BP Tony Hayward de la part du premier ministre. Ce dernier a conscience de «la valeur économique que BP apporte aux Britanniques et aux Américains», a-t-il affirmé.

Mais la presse britannique a jugé ces déclarations trop timorées, exigeant un soutien plus ferme du gouvernement.

«Cameron échoue à défendre BP dans sa lutte avec Obama», a titré vendredi le Daily Telegraph, proche des conservateurs. «Défendez votre pays, M. Cameron», a sommé le tabloïde Daily Mail, tandis que le Daily Express accusait Barack Obama «de tuer nos retraites» et qualifiait ses «harangues contre BP» de «honteuses».

Un grand patron très respecté, John Napier, qui préside deux entreprises du Footsie (équivalent britannique du CAC 40), a envoyé une lettre ouverte à Barack Obama, l'appelant à se conduire d'une manière plus «équilibrée» et plus digne de son statut d'homme d'État.

La banque américaine JPMorgan a elle-même souhaité que le Royaume-Uni «agite le drapeau rouge diplomatique pour protéger les entreprises britanniques».

Après cette levée de boucliers, M. Cameron a appelé vendredi le président de BP, Carl-Eric Svanberg, et l'a assuré selon son porte-parole «qu'il était dans l'intérêt de chacun que BP continue à être une entreprise financièrement robuste et stable».

De son côté, le vice-premier ministre Nick Clegg a cherché à calmer les esprits, en prévenant que «s'engouffrer dans une spirale politico-diplomatique» serait contreproductif.

Certains commentateurs britanniques ont toutefois admis la position très délicate du président américain, qui doit composer avec une opinion publique américaine très remontée, à six mois des élections de mi-mandat aux États-Unis.

Pour Michael Cox, professeur à la London School of Economics, Barack Obama «est sous une énorme pression intérieure», et «tente de faire deux choses : d'une part, essayer de détourner l'attention (de sa propre responsabilité dans la gestion de la crise, ndlr), et d'autre part, utiliser une dose de populisme».

Howard Wheeldon, stratégiste chez BGC Partners, a estimé de son côté que «Obama a le droit, jusqu'à un certain point, de mettre la pression sur BP», même si cette fois, «il est allé trop loin».

Selon M. Cox, cet épisode ne devrait toutefois pas avoir de conséquences à long terme sur la relation entre Londres et Washington, car «elle est très forte, et les Britanniques ne peuvent pas s'en passer».

MM. Cameron et Obama pourraient d'ailleurs recoller les morceaux dès ce week-end, lors d'un coup de fil «de routine» prévu samedi, où ils aborderont la marée noire.

En espérant que le match Angleterre/É.-U. qui se jouera le soir même en Afrique du Sud ne ravivera pas les tensions.